Histoire de rues : la rue Formagne
Le 12/11/2020 à 15h55 par Penthinum

Situation
Quartier des Limites. Début avenue Jean-Lolive / Fin rue Jules-Jaslin.

 

Création
À la jonction des lieux-dits des Molibouts et du Petit-Pantin, à proximité des communes de Romainville et de Bobigny, la rue Formagne était une voie privée probablement ouverte pour relier la route royale aux carrières de plâtre pantinoises. Son tracé est attesté au moins depuis 1731, comme en témoigne le plan dit de Roussel.

 

Origine de l’appellation
D’abord connue sous le nom de chemin de la Carrière à Fromage, la voie est rebaptisée rue Formagne à partir des années 1910, d’après la famille de notables, les Fromage, devenus les Formagne en 1899 suite à leur changement officiel de nom patronymique.
Dès les années 1850, la famille Fromage exploite une fabrique de plâtre, construite sur l’actuelle rue Jules-Jaslin, dans le prolongement de l’actuelle rue Formagne. Parallèlement, ils accroissent leur emprise foncière dans la ville en acquérant plusieurs parcelles entre la rue de Paris au nord (numéros 168-170 avenue Jean-Lolive), les rues de Palestro et Boieldieu à l’ouest et les rues Pierre-Brossolette et Formagne à l’est. Pour desservir leurs propriétés, ils font ouvrir et mettent en état de viabilité la rue Lépine au tout début du XXe siècle. L’appellation « chemin de l’Abattoir » est également rencontrée, soit en raison de l’existence de l’abattoir municipal dont le projet de construction remonte à 1878 sur un terrain auparavant exploité en carrière et appartenant à Nicolas Fromage, soit par la présence, en face, d’un abattoir hippophagique.

 

Bref historique
Les limites est de la ville, et plus particulièrement le lieu-dit des Molibouts, sont occupées par des propriétés agricoles dont une forte part de tenues maraîchères. Dès la fin du XIXe siècle, les activités liées à l’élevage et l’exploitation animale y sont attestées. En 1898, le sieur Fleury ouvre une petite porcherie au 2 de la rue (devenu 46) qui se développe rapidement jusqu’à accueillir 150 porcs et une dizaine de vaches à partir de 1922. En 1911, au 8 (devenu 43), la Laiterie des Fermiers réunis, régie privée de laiterie, fromagerie et porcherie réunies dont le siège est à Paris, installe un établissement dans l’ancien abattoir hippophagique. De même, des activités industrielles liées aux résidus de produits animaux  s’implantent. Ainsi, à l’angle des rues de Paris et de la rue Formagne (actuels 188-190 avenue Jean-Lolive), le sieur Chardin établi en 1884 une fabrique de gélatine - provenant « d’os entièrement secs » - qui devient quelques années plus tard une fabrique de colle sèche de peau de lapin.
L’histoire et le destin de ces trois sociétés sont semblables : prospères à leurs débuts, elles souffrent de l’urbanisation croissante du quartier qui empêche leur extension et provoque l’opposition des nouveaux riverains. Le voisinage émet en effet de nombreuses plaintes liées aux mauvaises odeurs des déchets des peaux animales, à la prolifération des rats ou à l’émission atmosphérique de suie. En réponse, les pouvoirs publics ouvrent des enquêtes commodo et incommodo dont les conclusions imposent aux sociétés une modernisation de leurs équipements et une remise en état de leurs bâtiments les plus vétustes. À partir des années 1950, les activités cessent : la porcherie Fleury-Drouin est déchue de son autorisation d’exploiter en 1961 et remplacée en 1998 par un lotissement du promoteur Kaufman & Broad. De même en 1961, Monsieur Chardin cesse son activité et demande la démolition de ses cinq bâtiments de production pour l’édification d’immeubles tandis que les terrains de la Société des Laiteries des Fermiers réunis sont expropriés par la commune en 1956 et rachetés par l’OPHLM en 1959 pour la construction d’immeubles de logements et d’équipements publics.

Dès la fin du premier conflit mondial, les prémices de l’urbanisation croissante étaient présentes. En effet, dans l’entre deux-guerres, la pénurie de logements parisiens, la spéculation foncière et le désir de propriété individuelle provoquent l’explosion du mouvement pavillonnaire. La majorité des habitations est constituée de petits pavillons à l’architecture modeste, le plus souvent auto-construits ou achetés sur catalogue, occupés par leurs propriétaires, ouvriers et employés pour la plupart. Ils demandent des permis de construire en proposant leur propre plan, parfois juste esquissé sur des feuilles de papier.
Pour pallier le déficit de travaux d'aménagement et de viabilisation des terrains dans ces voies encore non classées dans la voirie communale, les propriétaires se constituent au cours des années 1930 en associations syndicales de lotissements défectueux afin d'obtenir les prêts et subventions qu'offre désormais la loi Sarrault (1928). C’est le cas en 1933 pour les habitants de la rue Formagne qui se constituent en association syndicale pour l'aménagement de la rue. Dans son rapport de 1932, l’ingénieur voyer municipal décrit : « La viabilité n’est plus l’objet d’aucun entretien ; les caniveaux sont dans un état qui ne permet plus l’écoulement normal des eaux de ruissellement non plus que des eaux usées qui stagnent et répandent de mauvaises odeurs. Les trottoirs sont encombrés d’immondices ». Grâce à une subvention du ministère de l’Intérieur, les habitants de la rue Formagne obtiennent la construction d’une canalisation et prévoient la prolongation de la rue du Petit-Pantin (actuelle rue Pierre-Brossolette), projet qui ne verra jamais le jour.

La seconde moitié du siècle, elle, en revanche, est marquée par le développement de l’habitat collectif dont la rue est aujourd’hui empreinte.

 

Bâtiments remarquables
Sur le site de l’ancienne fabrique de colle Chardin, un terrain de 9 000 m² sis 188 avenue Jean-Lolive, rue Formagne et rue Pierre-Brossolette, les architectes de l’Atelier d’urbanisme et d’architecture (AUA) Paul Chemetov et Jean Deroche édifient une réalisation d’envergure mêlant logements et activités.
L’AUA, collectif d’architectes et d’urbanistes, créé en 1960 est reconnu pour ses nombreuses réalisations de bâtiments publics dans les communes de la « banlieue rouge ». À Pantin, ils sont les maîtres d’œuvres de la bibliothèque Elsa-Triolet, le groupe scolaire Jean-Lolive, le centre administratif rue Victor-Hugo, futur Centre national de la danse ainsi que d’un programme de logements sociaux à la porte de Pantin.
Avant ces projets, la construction de la résidence, rare exemple de logements privés de l’agence, leur permet une insertion dans le paysage local.
Le projet initial mêlait trois éléments : des locaux d’activités sur l’avenue Jean-Lolive, des logements privés sur la rue Formagne et des habitations à loyer modéré sur la rue Pierre-Brossolette. Finalement, les 22 logements de la rue Brossolette ne deviendront pas HLM et les promoteurs rembourseront à la Ville son investissement.
Le traitement architectural fait de cet ensemble un « immeuble manifeste » aux fortes influences brutalistes corbuséennes avec le choix des pilotis très marqués et le jeu des matériaux et des textures.
Terminé en 1967, cet ensemble accueille 154 logements, 2 600 m² de locaux d’activité et 1 150 m² de bureaux, une agence Pôle emploi et un bureau de poste. Le plasticien Paul Foujino réalise la céramique qui marque l’entrée de l’immeuble principal tandis que les paysagistes Jacques Simon et Michel Corajoud agencent les 5 000 m² d’espaces verts. L’architecte de l’AUA Jacques Kalisz y vécut plusieurs années.

 

Quelques mètres plus loin, à l’angle de la rue Pierre-Brossolette se dresse un immeuble conçu par l’architecte Denis Honnegger lors de l’opération de rénovation urbaine du quartier de l’Église. Dans le cadre de ce chantier expérimental un programme à moindre budget de quatre immeubles regroupant à l’origine 205 logements HLM dits « à normes réduites » est lancé entre les rues Formagne, Pierre-Brossolette et l’avenue Anatole-France. Surnommés Les Économiques, ils sont construits entre la fin des années 1950 et le début des années 1960. La maîtrise d'ouvrage a été portée par l'OPHLM de Pantin.

 

Dans la continuité du groupe d’immeubles, l’école maternelle Hélène-Cochennec, œuvre du même Denis Honneger, est ouverte pour la rentrée 1968-1969 avenue Anatole-France. Édifiée en une année, il avait pourtant fallu sept années de démarches administratives des élus pantinois pour débloquer les crédits gouvernementaux nécessaires à sa construction.
En 1990, son extension colorée sur la rue Formagne est due à l’architecte Michel Macheret, également à l’origine de nombreuses opérations sur Pantin. Le nouvel édifice accueille un centre de protection maternelle et infantile (PMI), une halte-garderie et un centre de loisirs.


Personnalité remarquable
Le belge Florimont Vervloet s’installe à Pantin au début des années 1910 avant de construire son pavillon au 30 rue Formagne et 5 impasse du Petit-Pantin. Acrobate de carrière, il effectue des tournées dans de nombreuses villes françaises, européennes et même brésiliennes à partir de 1903 et jusqu’à ses 66 ans. Son numéro de la toupie humaine par mâchoire lui valait une certaine notoriété.
Sa mémoire perdure grâce à un remarquable don d’archives familiales effectué par sa petite-fille et comprenant entre autres les programmes de ses tournées, des affiches et des photographies.

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