Pantin, le 30 juillet 2020
Adrien Vautier entre dans le Fonds municipal d'art contemporain de Pantin en mars 2020. Sa photographie Sans titre (série « Labre Park ») fait partie de la vente solidaire "12 photos x 12 assos" organisée pendant le premier confinement dans le cadre de l’exposition BAN vol.2 aux Magasins généraux. En choisissant de reverser tous les bénéfices à l'association ACLEFEU, l'artiste témoigne de son engagement dans la société. Photographier les lieux d'actualité, où la grande et la petite histoire se jouent, exprime une vision multiple de la réalité. Vautier photographie, amène la réalité sous nos yeux en nous offrant une ouverture sur celle-ci, une opportunité de regarder sans jugement.
Rencontre avec un artiste qui offre à voir les rouages du monde qui nous entoure.
Pourquoi êtes-vous artiste ? Qu’est-ce qui vous a conduit vers l’art et le métier d’artiste ?
Je suis photographe, journaliste et éditeur de livres photo. Ce qui m'a conduit à être artiste est la quête perpétuelle de la vérité et un profond besoin de m'exprimer. Je souhaite raconter des histoires vraies qui me bouleversent, la photo m'aide à transmettre des émotions pour lesquelles je n'ai pas forcément les bons mots pour me faire comprendre.
J'ai commencé par le graffiti à l'adolescence et je suis venu à la photographie à l'âge de 27 ans, suite au ralentissement de la première pratique. J'ai alors suivi plusieurs formations, une aux Gobelins, l'école de l'image, et la seconde à l'EMI-CFD en photojournalisme. Je couvre l'actualité en France et à l’étranger, je réalise des reportages sociétaux pour les magazines français et internationaux. En 2018 je crée, avec deux amis, les éditions Nuit Noire, une maison d'édition dédiée à la photographie.
Parlez-nous de votre formation et pratique artistique.
Mes sujets de prédilection sont surtout concentrés autour de problèmes sociaux, économiques et politiques en lien avec l'actualité. Je m'intéresse aussi à la masculinité sous toute ses formes, les rapports au sein des groupes d'hommes. La révolte populaire est également un de mes sujets phare. J'utilise comme premier médium la photographie, suivent les publications pour les magazines, l’édition de livres et de fanzines photos et les expositions.
Pour moi, il est primordial que mes projets existent de manière physique (tirages, livres, installation). La photographie doit rester avant tout palpable afin de la rendre réellement visible. Il est important de se questionner, en tant que photographe, sur notre consommation d'images via les réseaux sociaux essentiellement. Les algorithmes poussent les utilisateurs à poster toujours plus pour pouvoir exister, souvent au détriment de la qualité elle-même. Je trouve ce questionnement intéressant.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Dernièrement j'ai abordé la problématique de la Covid-19 en Île-de-France pour la presse française. J'ai travaillé sur la dualité de confinement au sein d'un même territoire à Clichy-Montfermeil pour le magazine Society. J'ai photographié le service de soins intensifs Covid-19 à l'hôpital Robert-Ballanger pour un magazine santé et réalisé une commande pour le journal Libération dans le département 93. Enfin, je viens de terminer un reportage sur les clubs parisiens face à la crise. J'ai photographié des lieux emblématiques des nuits parisiennes, tels que le Rex, la Machine du Moulin Rouge. Un exercice intéressant, car assez éloigné de ma démarche habituelle. J'ai tendance à photographier les êtres humains, et là je me suis retrouvé face au vide créé par une crise sanitaire qui mute en crise économique. Des temps de pose longs, au trépied, je m'arrête sur les détails, les ambiances de lieux festifs, qui sont désormais plongés de force dans un silence lunaire. À coté de cela, je travaille avec mes camarades des éditions Nuit Noire sur un nouvel ouvrage. Nous éditons un projet du photographe Rafael Yaghobzadeh, qui a documenté la guerre en Ukraine. Le lancement doit se faire en septembre à la galerie P38 dans le 18e arrondissement. La sortie du livre sera accompagnée d'une exposition.
Parlez-nous de l’œuvre que la ville de Pantin vous a achetée.
C'est une photographie issue d'un reportage sur la communauté des Travellers dublinois. Ils sont membres de la communauté des gens du voyage anglo-saxons. Une communauté extrêmement stigmatisée en Irlande. Après un voyage en Israël et en Palestine en mai 2018, où j'étais parti couvrir la Nakba pour mon agence photo, je décide de partir rapidement à Dublin. Sur place je me mets à travailler avec le journaliste Julien Marsault. Sans contacts particuliers, nous tentons une première approche avec la communauté. Échec... La seconde fois, nous revenons juste avec le nom d'une femme que l'on m'a transmis. Ce nom suffit à nous introduire dans le lotissement et par la suite nous ouvrira les portes de la communauté après plusieurs heures de discussions. Je reviendrai plusieurs fois dans le quartier pour y photographier le quotidien. La scène photographiée fut assez marquante car elle fut prise au début de mon reportage : la photo parle d'elle même. Tous ces garçons qui regardent le patriarche laver son cheval avec un balai, dans des conditions de vie extrêmes, j'étais en plein dans mon sujet : la transmission des traditions d'une communauté étouffée par le modernisme.
Quels sont les artistes que vous aimez aller voir au musée et / ou sources d’inspiration dans votre travail ? Pourquoi ?
Forcément je suis très inspiré par les photographes mais aussi beaucoup par le cinéma, ma sensibilité photographique vient de là. Les artistes qui m'inspirent le plus sont Richard Mosse, sa série « Infra », où il photographie la guerre en République Démocratique du Congo à la pellicule infrarouge de Kodak, m'a réellement bouleversé. Plus récemment, j’ai été touché par son projet « Incomming », où il a voulu rendre visible ce que l'on refuse de voir, grâce à une technologie militaire. Montrer le drame des migrants sous un autre angle.
Le photographe Michael Wolf m'inspire beaucoup aussi : ses séries sur les méga-barres d'habitations en Chine, sur les usines de fabrication de jouets m’influencent. Ma favorite reste « Tokyo compression », série sur le métro tokyoïte bondé.
Le photoreporter Yan Morvan est une source d'inspiration, surtout sur ses choix de sujets et la façon de les traiter. Il est au cœur du moment, du groupe, il donne l'impression de vivre avec les personnes qu'il photographie.
J'estime être encore loin de ces pontes de la photographie, mais je travaille au maximum pour déjà maîtriser l'art du reportage et par la suite me le réapproprier et tenter de nouvelles formes d'écritures.
Quel est votre lien avec Pantin ?
Mon premier lien avec la ville de Pantin fut l'exposition Ban vol.2 aux Magasins généraux en 2020. Mon deuxième fut l'achat d'une de mes photos par le fond d'art municipal. Une histoire qui commence bien !
Quel est votre lieu préféré de Pantin ?
Les voies de chemin de fer de la gare SNCF. Je ne dirais pas forcément que c'est mon lieu préféré mais sûrement le plus inspirant. J'ai réalisé quelques clichés un matin d'hiver dans le dépôt de RER, il y a plusieurs années, c'était très photogénique.
Pour aller plus loin :
https://www.adrienvautier.com/