Entre chiens et loups / Quel savon pour effacer ce cauchemar 1/6
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Cote :
OAP/142
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Format :
Dimensions : 30x39 cm
Genre/Carac. phys. : tirage photographique noir et blanc
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Biographie ou historique du producteur :
LA BIO
Raphaël Chipault est un photographe français né en 1969, diplômé de l'École Nationale de la Photographie. Depuis 2007, il travaille avec le photographe Gilles Gerbaut à des projets communs questionnant en mode poétique et ironique le statut ambigu de la photo entre forme et informe.
LA DÉMARCHE ET L'ŒUVRE
Voilà le portrait cadré serré d'une jeune femme qui se cache en partie derrière sa main. Le cliché est traité dans un noir et blanc peu contrasté et la chevelure sombre du modèle qui obscurcit l'angle supérieur gauche de la composition plombe encore le sujet. Le grain épais et le manque de définition rendent les traits de la femme imprécis ; on la devine pourtant belle. Ce portrait est volontairement nébuleux : le point est fait sur une mèche de cheveux au premier plan, laissant le modèle délibérément flou. Le temps de pose trop long brouille encore l'image en enregistrant ces traînées cinétiques du mouvement de la main.
Raphaël Chipault rend à dessein sa photographie hésitante l'image est incertaine, et le peu qu'il livre de son modèle est difficile à discerner. La femme elle-même, par son geste, empêche la reconnaissance : sa main levée, tendue, doigts serrés, couvre son profil droit, fait écran à l'objectif. Dans ce trois quarts tronqué, une mince portion de visage reste visible : un œil fermé sous un sourcil soucieux, des lèvres serrées dont émane une impression de tristesse que renforce l'aspect brut du tirage.
Le titre Entre chien et loup / Quel savon pour effacer ce cauchemar sonne douloureusement. Deux interprétations sont possibles. L'une retenant une compréhension littérale : l'expression « entre chien et loup » convoquerait la tombée de la nuit et la noirceur de l'image s'expliquerait par cette pénombre, où cauchemars et réalité ne se distinguent qu'à grand-peine. Au seuil d'un mauvais rêve, la femme tenterait de chasser l'angoisse en passant la main sur ses paupières encore closes ? Mais le portrait la montre debout. Et le geste vif de cette main peut dire bien autre chose.
Une seconde interprétation s'attacherait à la symbolique de l'expression : le chien signifie la fidélité, là où le loup désigne menace et sauvagerie. Entre chien et loup, entre lumière et obscurité, entre la loyauté et la peur, la femme fait-elle face aux emportements d'un être aimé ? L'objectif est très proche d'elle. Peut-être trop intrusif, puisqu'elle cherche à s'en protéger, à déjouer la prise de vue. Le gros plan suggère-t-il une proximité douloureuse ?
Cette main brandie se substituant au visage, que soustrait-elle aux regards ? L'air grave de la femme, le bougé de la photo peuvent suggérer un geste réflexe de dissimulation, et, sous cette main, laisser imaginer le pire. Le titre résonne encore autrement, laissant entendre à demi-mot cette expression qui, à propos de savon, parle d'en « passer un ». Le bougé de la main ne rejoue-t-il pas le geste d'une gifle sur ce visage fermé comme dans l'attente de l'impact ? Cette main levée pour faire manquer son but à la photographie témoignerait-elle par la négative de la sévérité de la réprimande ?
Cette image, pourtant, n'est en rien documentaire. Raphaël Chipault a toujours travaillé la portée polysémique de ses photographies, s'attachant à rendre les glissements de sens d'un sujet il aime à voir et à faire voir tout ce qui est de l'ordre du passage. Tout ce qui comme ici trouble la lecture et ouvre à de multiples interprétations. C'est tout l'enjeu : la soi-disant vérité des images et les sentiments contrastés qu'elles peuvent véhiculer.
(source : En amour, Marion Delage de Luget éditions pôle Mémoire et patrimoine. À paraître)
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Modalités d'entrée :
Festival Photos et légendes en 2000.