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Meule de paille

  • Cote :

    OAP/107

  • Dates :

    1993

  • Format :

    Dimensions : 150x150 cm

    Genre/Carac. phys. : huile sur toile

  • Biographie ou historique du producteur :

    Laurent Chabot

    1951, Le Bernard (Vendée)

    Travaille à Pantin de 1988 à 2001 et depuis 2006.

    Installé à Paris en 1983, Laurent Chabot est un peintre autodidacte dont l'agriculture fut le premier métier et le dessin industriel le second.

    Son travail de peinture s'accompagne de l'écriture de poèmes et de textes littéraires.

    Il est représenté par la galerie Caroline Tresca.

    LA DEMARCHE

    Comme certains artistes proches dans les années 80 du mouvement français de la figuration libre, Laurent Chabot a choisi de prendre ses distances avec ce dernier à la fin de la décennie et de faire cavalier seul.

    Intéressé par Andy Warhol, il lui préfèrera ensuite Mark Rothko ou Yves Klein. On peut se demander si la domination mondiale du Pop'art n'a pas joué pour beaucoup d'entre nous en sa défaveur; si finalement, la pertinence du propos d'Andy Warhol était telle («le seul artiste qui a su banaliser les choses importantes et donner de l'importance aux choses banales» dit de lui Laurent Chabot), qu'elle en soit devenue aujourd'hui alors qu'elle est plus que jamais d'actualité- d'un cynisme insupportable.

    C'est de son enfance dans une ferme de Vendée qu'il tire le thème essentiel de son œuvre: le jaune. Comme il aime à le rappeler: « Mon premier contact avec la peinture a eu lieu quand j'étais petit. Ma mère m'avait demandé de peindre le garde-manger (il n'y avait pas de frigidaire). C'était comme une maison toute petite, en bois avec un toit en pente et son grillage fin sur tout le tour pour empêcher les moustiques d'entrer. La peinture était jaune à l'huile laquée. J'aimais bien l'odeur et je m'étais installé dans le jardin.».

    Au milieu des années 80, Laurent Chabot s'est donc tourné vers une peinture au sujet unique que l'on pourrait résumer ainsi : la couleur jaune. Fils de paysan, paysan lui-même, peintre autodidacte, Chabot devient le peintre du soleil, des champs de blés comme terrain de jeu de son enfance, des meules de foin comme travail de son adolescence. Née en juillet, il se veut le peintre du souvenir de la chaleur écrasante de la campagne. C'est le jaune intense comprenant quelques touches de rouge que l'on trouvera dans certaines séries de toiles.

    En 1986, trois ans après son exode vers la ville lumière, Chabot observe une «brume jaunâtre plombée» sur la capitale. A la généreuse chaleur dorée de la campagne (parfois jusqu'à l'étouffement and ) succède l'inquiète chaleur entachée de noir de la ville.

    Il entreprend alors de peindre un soleil par jour. Une consigne digne de la mesure du temps chère à Roman Opalka par exemple, avec ses suites journalières de nombres complétées de ses autoportraits.

    Le soleil de la ville, c'est le jaune brouillé d'une masse noire. Comme le note Claire Gilly en citant Chabot: «( ... ) Les « Masses noires » incarnent l'anticipation d'une éventuelle menace: la mise en péril de la lumière. Face à cette appréhension craintive, l'artiste évince une finalité tragique: «Souvent, en plein jour, j'ai l'impression que c'est la Nuit que le Soleil éclaire». *

    La thématique de Laurent Chabot n'est ainsi pas véritablement la couleur jaune ni vraiment les motifs qu'elle évoque mais bien plutôt ce qu'elle cache ... et d'abord son contraire: la nuit, le sombre, la ville ... Tout ce que l'on peut appréhender à travers la vidéo «Périphérique» qui commence par ces mots: «Tôt le matin, au bord de la route, je me suis installé pour voir passer la journée. J'ai attendu jusqu'au soir, je n'ai rien vu arriver». **

    L'ŒUVRE

    Meule de paille est une huile sur toile de 1993. De format carré comme souvent dans les œuvres de Laurent Chabot, l'œuvre appartient à une série qui s'étend sur plusieurs années et vient croiser les autres thématiques du peintre: champs de blé, masse noire, paysage, ciel...

    La meule de paille envahit littéralement la totalité de la surface de la toile sans laisser aucun espace. Le mouvement circulaire conduit l'œil vers le trou central de la meule légèrement décentré sur le tableau. La lumière, concentrée sur la partie haute du tableau permet, dans son duel avec l'ombre du bas, de distinguer le volume de la meule.

    Pour nous tous, la lumière est une évidence, mais devant les toiles de Chabot, on se surprend à imaginer un monde dans lequel elle ne le serait plus.

    Lorsque l'on regarde Laurent Chabot préparer sa peinture***, poser ses couches jaunes à la brosse plate puis tracer circulairement au crayon les esquisses de meules de foin par exemple, «comme on tourne autour des choses sans les atteindre vraiment», ou encore un soleil creusé de cratères dans la matière picturale boursouflée, on comprend peu à peu que la lumière est loin d'être donnée au peintre mais qu'au contraire, il lui faudra multiplier les superpositions de couches pour la faire remonter à travers les strates de peinture jusqu'à la surface du tableau : «je ne peins pas la lumière, j'ai tendance à aller la chercher».

    Dans les récents paysages de grands formats où alternent les étendues lisses et les espaces creusés, l'éclair jaune des spots électriques de l'atelier et la masse blanche du ciel pantinois se mêlent pour venir lécher les aplats mats, lustrer les reliefs, s'engouffrer dans les sillons. Cette fois, c'est bien la lumière qui est venue à lui.

     

    *Claire Gilly, « and Et Chabot broie du jaune», in Regard-Expo, n°1, 1990

    **visible sur http://www.laurentchabot.com/film-peripherique.html

    *** Jean Eric Macherey, «Soleil», documentaire sur Laurent Chabot, Dédalus, La Cinquième, 1996.

  • Modalités d'entrée :

    Achat en atelier en 1995.

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