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Le portail (1/15)

  • Cote :

    OAP/115

  • Dates :

    1995

  • Format :

    Dimensions : 50x60 cm

    Genre/Carac. phys. : tirage photographique noir et blanc

  • Biographie ou historique du producteur :

    LA BIO

    Née en 1970 à Paris, Sandrine Expilly réalise ses premières photographies en 1992, année où elle obtient un BTS expression visuelle à l'école Estienne. Deux ans plus tard, elle est titulaire d'un diplôme supérieur d'arts plastiques de l'école Duperré. Dès 1996 distribuée par l'agence Métis jusqu'en 2004 elle travaille avec les milieux de la mode et collabore avec la presse (Le Monde, Télérama, Libération, Studio Magazine...) Elle réalise ainsi de nombreuses photographies pour la publicité, le cinéma, les arts de la scène... ainsi que des portraits de personnalités médiatiques. Elle mène à la fois un travail de commande et de recherche photographique.

    Elle a exposé à l'office de tourisme de Pantin en 1996 et à la piscine municipale en 1998.

    LA DEMARCHE

    «Je ne me considère pas comme une artiste. Je réponds à des commandes et rentre ainsi dans le système commercial. Les artistes le font aussi, mais de façon moins directe. Je considère que je fais partie des arts appliqués, appliqués aux besoins directs de la société. Je mène également en parallèle un travail personnel, plus orienté sur la recherche».

    (source: «Zoom and sur la photographie», entretien act'art, Sylvain Lizon, Sandrine Expilly, référence du 5 novembre 2008. Entrac't 1, janvier-février-mars 2001)

    Avec d'autres séries comme «Intérieurs» ou «Sous le ciel de Paris», c'est à ce dernier registre qu'appartiennent les photographies conservées par la ville de Pantin. Un travail plus intime, non soumis à un marché et donc à des contraintes particulières mais permettant l'expérimentation: " Ce sont des terrains vagues, des vitrines, des intérieurs, des usines, des plages, des déserts, la rue, le ciel, la mer, le jour, la nuit, des gens ; des images glanées un peu partout, des photos sans commande, sans conséquence, sans urgence, juste comme ça pour le plaisir de déclencher".

    (source: «Les rendez-vous du 9», référence du 17 mars 2009. Pour l'instant, 2001)

    Pour comprendre la démarche de Sandrine Expilly, remontons dans l'histoire: dès son invention, la photographie n'est considérée que comme une technique au service des artistes et l'image comme un document, tout au plus un modèle pour les peintres. Lorsque le photographe Atget s'installe en 1890, la plaque qu'il appose sur sa porte mentionne: «fournisseur de documents pour les artistes». Mais à la fin du XIXème siècle, les pictorialistes vont s'atteler à faire reconnaître la nature artistique de la photographie en permettant une large intervention de l'auteur: ombre, reflet, crépuscule, dissolution du réel ...
    Dans les années 20, suivront notamment dans cette voie les surréalistes. Les recherches d'Expilly sur les supports, les chimies, les rendus ne sont pas sans rappeler les expérimentations des surréalistes et leur goût pour les superpositions, photomontages, décalages, distorsions ... repoussant ainsi sans cesse les limites de la représentation photographique et la prolongeant jusqu'à l'onirisme.

    L'ŒUVRE

    La série des trois photographies: Le tunnel, Le parc et Le portail est de petit format et en noir et blanc. Dépourvue de toute présence humaine, chaque image tire son titre de l'élément qu'elle représente qui semble figé dans le temps. Pourtant, il s'agit moins de figurer un motif que d'explorer, par l'effet de «bougé», les possibilités de la technique photographique et d'en rendre une vision différente, susceptible de titiller l'activité visuelle et psychologique du spectateur.

    Contrant ainsi l'injonction traditionnelle: « Ne bougez plus ! » propre à la photographie-souvenir, l'enjeu de ces trois images semble être plutôt de s'approcher d'une mise en abyme de la photographie en reconnaissant ses vertus plastiques mais aussi de permettre une forme de narration personnelle. Le fait de choisir de travailler par série est loin d'être innocent: la répétition du sujet entraîne le spectateur vers une possibilité de récit intime.

    Le sentiment d'étrangeté qui parcourt les photographies de Sandrine Expilly est le résultat d'une alliance entre une esthétique qui semble issue de photos anciennes et en même temps d'une projection futuriste essentiellement due à ce «bougé» particulier.

    Cette manière de faire rattacher ces images à la famille de la «photographie plasticienne», nommée ainsi depuis quelques décennies dans l'art contemporain et désignant une photo qui ne s'inscrit pas dans une histoire supposée pure et autonome du médium mais, tout au contraire, qui vient croiser les arts plastiques. Il s'agit pour la plupart d'entre elles d'engager un rapport plus énigmatique au monde quand la photo pure le décrit de façon narrative.

    Largement inaugurée par exemple par les artistes Barbara et Michaël Leisgen dans les années 70, la photographie plasticienne met en exergue les composantes même de la pratique photographique, soit ce que l'outil permet avec une grande dose de subjectivité de la part de l'artiste.

    La nuit, dit le proverbe, tous les chats sont gris. L'obscurité est ce lieu de l'incertitude, terrain des plus propices pour laisser libre cours à l'interprétation. Lorsque les ténèbres aplatissent la perspective et soustraient certains détails à la vue, on ne peut envisager le monde qu'autrement les artistes en usent pour métamorphoser les espaces les plus familiers. C'est ce dont procèdent les photographies de Sandrine Expilly.

    Les clichés réalisés en 1995 s'inscrivent en droite ligne du pictorialisme. Ce mouvement qui fut la toute première école de photographie artistique s'est constitué autour de l'idée de faire entrer la photographie parmi les beaux-arts, en dépassant la simple imitation mécanique de la nature : au lieu d'effectuer un enregistrement automatique de la réalité, ces artistes s'ingéniaient à jouer des paramètres de leurs appareils afin d'élaborer une esthétique insolite.

    Expilly produit de telles mises en image singulières du quotidien. Explorant des genres artistiques traditionnels (le paysage, la vue d'architecture...), elle détourne le processus mécanique qui assurerait d'en rendre une image mimétique, transformant ce réel presque banal à l'aide de plusieurs artifices. Lors de la prise de vue, elle crée une atmosphère nébuleuse en utilisant un grain épais et en jouant sur des nuances sombres. De plus, Expilly joue du « bougé », provoquant des déformations floues qui vont dégrader la destination réaliste de l'image.

    Le rendu n'est pas sans rappeler le goût qu'avaient les Surréalistes pour les différentes techniques d'altération de l'épreuve photographique. Distorsions, brûlage, grattage leur permettaient de brouiller les codes de perception habituels des images, éloignant la photographie de sa visée documentaire et lui conférant une charge poétique, onirique.

    Expilly reprend cette stratégie : grâce à un effet, elle déconstruit l'aspect familier des choses et insuffle à l'image un sentiment d'étrangeté. En résultent des photographies relativement inquiétantes. Lieux difficiles à situer, environnements étouffants aux cadres encombrés et sans échappatoires visuelles, architectures murées dans les ténèbres et semblant désolées, vides de présence humaine, le tout sous un demi-jour crépusculaire. Cela tient aussi au travail de tirage des épreuves qui a délibérément assombri les contrastes et laissé le cadre des photographies émerger en découpes accidentées et non pas rectilignes. Ceci souligne la volonté de l'artiste de favoriser l'aléa à l'encontre de la maîtrise technique. Au lieu de s'effacer derrière le rendu mécanique, elle privilégie l'intervention humaine, la part manuelle dans ses créations photographiques.

    (source : À la nuit close, Marion Delage de Luget éditions pôle Mémoire et patrimoine. À paraître)

    POUR ALLER PLUS LOIN

    www.sandrineexpilly.com

    @sandrineexpilly

  • Modalités d'entrée :

    Achat à l'artiste en 1996.

  • Autres données descriptives :

    Série de trois photographies. Cf. OAP 113 et 114.

  • Documents en relation :

    OAP113 et 114

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