Le Christ au tombeau
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Cote :
OAP/25
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Dates :
1859
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Format :
Dimensions : 196x154 cm
Genre/Carac. phys. : huile sur toile, cadre en bois doré
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Biographie ou historique du producteur :
Copie d'un tableau du Louvre effectuée par un certain Louis Gibert au XIX e siècle, cette Déploration témoigne d'un souci plastique typique de la fin du XVI e siècle. En plein développement de la Contre-Réforme et de la mise en place des principes édictés par le Concile de Trente, les ouvertures se multiplient entre les deux grands pôles picturaux d'Occident que sont l'Italie et les Flandres.
Otto van Veen fait partie de ces artistes voyageurs qui permettent de tisser des liens entre le nord et le sud. Sa manière est fortement marquée par la découverte, à Rome, du maniérisme: il s'en fait l'ambassadeur en Flandres. Il est l'un des maîtres de Rubens, et ce dernier lui doit très certainement d'avoir pu devenir l'émissaire de la riche famille des Gonzague de Mantoue (Rubens sera pour eux un intermédiaire précieux dans la constitution de leur collection). La Déploration originale du Louvre est vraisemblablement sortie de l'atelier de van Veen vers 1590. Rubens y participe très certainement.
L'influence italienne est très nette dans cette composition, comme peuvent en témoigner la chaleur des couleurs, l'enlèvement de la touche ou encore le jeu de lumière faisant la part belle au clair-obscur: la scène est ainsi dramatisée, décuplant l'expressivité des figures. Pour autant, on y sent une sorte d'ancrage nordique avec une construction scénographique malgré tout assez stricte.
L'expressivité est grande, notamment avec la Vierge évanouie qui dans sa gestuelle répond à celle du Christ mort. On remarque aux pieds du défunt un personnage affligé, dont les cheveux reposent sur ses chevilles. Rappelant l'épisode du repas chez Simon le pharisien, on identifie dans ce personnage Marie-Madeleine qui est généralement l'un des personnages les plus expressifs des déplorations. On notera la lumière qui baigne le corps du Christ mort, irradiant d'une beauté étrange les figures qui se tiennent autour.
Œuvre au message expressif et témoignant d'un moment important de l'histoire de la peinture occidentale religieuse, cette Déploration se montre révélatrice des préoccupations confessionnelles d'une époque. Louis Gibert, qui l'a compris, ne trahit pas le sens de l'œuvre originale et lui offre une continuité à travers le temps.
Stylistique
Stylistiquement, le tableau de la déploration de Pantin montre le travail d'un peintre confirmé. Son traitement du détail (motte de terre, brin d'herbe, barbe&) et des expressions (Christ mort, évanouissement de la Vierge&) est tout à fait maîtrisé. Les différences avec l'original se situent principalement dans la touche picturale. Louis Gibert utilise des aplats de couleurs pour faire ressurgir les contours et le volume des éléments peints du tableau.
Il laisse visible la trace du pinceau qui module les formes. La lumière est diffuse et les couleurs douces, contrairement à l'original où la lumière tape par zone et les couleurs sont crues.
L'artiste
Contexte de création
Le XIXe siècle est un siècle religieux. Après la Révolution et avec le retour des Etats royalistes et impériaux, les commandes de tableaux sont de plus en plus nombreuses pour décorer les églises de France. Ce sont surtout des copies, commandées par les préfets qui en référaient au ministre des Beaux-Arts.
La promulgation, le 12 décembre 1852, de la liste civile place l'Empereur comme garant d'une certaine forme d'art. Cette liste existait déjà sous Louis XVI et donnait la possibilité à l'Etat d'accorder des allocations financières ou des dotations mobilières et immobilières à des artistes. La liste se compose principalement de copies qui constituent un moment crucial dans la carrière d'un artiste en formation. Les copies sont commandées en contrepartie d'une allocation et une fois l'œuvre terminée, l'administration juge de la capacité créatrice du dit artiste copiste. C'est l'artiste qui envoie une demande à la Maison de l'Empereur pour copier un tableau dont il choisit le sujet (lorsque celui-ci est religieux). Dans cette demande, les artistes ne mettent pas en avant leur capacités artistiques mais leur situation qui se doit d'être la plus précaire possible pour attirer les bonnes grâces du ministre et décrocher ainsi l'allocation pour la copie.
Une fois la lettre de demande envoyée et la demande acceptée, l'artiste s'attelle à la réalisation de la copie dans le Louvre même. Un inspecteur des Beaux-Arts se rend au Louvre pour s'enquérir de l'état et de l'avancée des copies qui ne sont pas toutes retenues.
Louis Gibert
Nous connaissons très peu de choses sur Louis Gibert. Dans le dictionnaire des artistes le BENEZIT il est dit que l'artiste naît à Limoux dans l'Aude. Il est peintre et pastelliste sorti de l'Académie de Toulouse. Il débute au Salon en 1848 soit 11 ans avant la commande du tableau de Pantin. On retrouve sa trace vers 1856 avec une copie, déjà, de la Crucifixion de Prud'hon qui porte à l'arrière «donnée par l'empereur en 1858» et qui est conservée à la cathédrale Saint-Gatien de Tours. Vient ensuite l'œuvre de Pantin. Puis nous perdons sa trace dans les archives et dans les œuvres conservées jusqu'à Pantin. Ou plutôt jusqu'à sa commande qui au départ n'est pas pour Pantin mais faite par le département de la Seine. C'est la première mention de l'artiste depuis son entrée au salon.
Il semble s'être spécialisé dans la copie car les autres œuvres que nous connaissons de lui, plus tardives, en sont également. Il apparaît pour être l'auteur d'une toile conservée à Pierrefitte représentant l'évêque Saint-Vincent, copié d'après Vien en 1862. Puis on le retrouve pour deux portraits de l'empereur en 1865 à Brie-sur-Marne et en 1868 à Saint-Maurice en Charente. On perd à nouveau sa trace. Nous ne connaissons par conséquent presque rien de cet homme dont le nom n'apparaît pas dans les archives.
La commande de tableau à Louis Gibert
Lorsque la commande du tableau est passée à Louis Gibert, l'Etat favorise les copies de « piété ». Les premières années de l'Empire sont marquées par un renouveau de la religion et les directeurs successifs des Beaux-Arts sur la période : Blanc, Nieuwerkeke et Chennevières sont plutôt férus de peinture religieuse.
Une lettre, conservée aux archives municipales, nous apprend que la toile est d'abord commandée par le département de la Seine en 1859 auprès de Louis Gibert. En 1860, le maire de Pantin réclame au préfet une série de tableaux, et donc de copies pour orner l'église de la ville. C'est à ce moment que le tableau de Gibert est envoyé à Pantin. La pratique est donc des plus intéressantes car on comprend bien ici que les tableaux étaient effectués sans penser où ils se trouveraient par la suite et transférés dans les différents lieux. La commande de Louis Gibert reflète un phénomène artistique, politique et social propre au XIXe siècle.
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Historique de la conservation :
Restauré en 2007. Dossier consultable au pôle mémoire et patrimoine.
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Modalités d'entrée :
Provient de l'église Saint-Germain. Toile commandée par le département de la Seine en 1859. Puis en 1860 demande de tableaux du maire au préfet de la Seine pour orner l'église (lettre AM Pantin M25). Retrouvé dans les ateliers municipaux en 1987.
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Autres données descriptives :
Mentionné dans l'inventaire de Louis Chaix de 1878 : Le Christ au tombeau (copie d'après un tableau attribué primitivement à Andrea Sgnazella et maintenant à l'école flamande du XVIe siècle), de Louis Gibert, né à Limoux (Aude) élève de l'académie de Toulouse, situé dans le bas-côté à droite. Prix alloué : 600 frs.
Aujourd'hui attribué aux années de jeunesse de Rubens ou à son maître Otho Venius, inspiré par une gravure d'Enée Vico. Original au Louvre.
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Bibliographie :
Sources
Archives nationales
Série F/21
Archives municipales
m025 lettre du Préfet de la Seine au maire de Pantin
Fiche d'inventaire
Constat d'état
Ouvrages
Ouvrages généraux d'histoire de l'art:
BELTING Hans, Image et culte. Histoire de l'art avant l'époque de l'art, Ed. Verken, 2006
BENEZIT E., Dictionnaire des peintres, sculpteurs, graveurs et dessinateurs, 1911
BURNET E., Pour décorer un tableau religieux, Nouveau Testament, Ed. Cerf, Paris, 2006
PANOFSKY E., Essai d'iconologie: thèmes humanistes dans l'art de la Renaissance, Gallimard, Paris, 1967
Ouvrages sur la période artistique
COLLECTIF, Copier créer. De Turner à Picasso, musée du Louvre, Paris, 1993
COLLECTIF, Ces églises du XIXe siècle, Ed. Encrage, Amiens, 1994
COLLECTIF, Regard sur la peinture religieuse, XVIIe-XIXe siècles, Ed. Actes Sud, Paris, 2006
GAGNEUX Y., «Le Goût des curés parisiens d'après l'enquête épiscopale de 1854» in La Revue de l'art, 2009, pp. 9-19
GEORGEL C., La République et l'art vivant, RMN, Paris, 1998
Ouvrages sur Pantin
BOURNON F., Pantin. Notice historique et renseignements administratifs, Montevrain, 1901
COLLECTIF, Le patrimoine des communes de la Seine-Saint-Denis, Flohic, Charenton-le-Pont, 1994.
DUMOLIN M., OUTARDEL G., Les eglises de France. Paris et la Seine, Paris, 1936
Inventaire general des œuvres d'art decorant les edifices du departement de la Seine, dresse par le Service des Beaux-Arts., T. 1, arrondissement de Saint-Denis, Paris, Chaix, 1878
Sites internet
Base Joconde musée de France
Base Palissy inventaire patrimonial
Base Atlas Louvre