Vierge à l'enfant Jésus et Sainte Martine
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Cote :
OAP/34
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Dates :
1858
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Format :
Dimensions : 129x161 cm
Genre/Carac. phys. : huile sur toile, cadre en bois doré
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Biographie ou historique du producteur :
1. Description
a. Composition
L'œuvre est au format horizontal.
Un groupe composé de trois personnages se trouve au centre du tableau. Deux femmes et un enfant sont assis dans un paysage naturel. Le groupe crée une forme pyramidale produisant visuellement une hiérarchie, la femme au centre (la Vierge) formant le pilier du groupe.
Le lys blanc tenu dans la main gauche de l'enfant et le crochet de fer dans la main gauche de la femme de droite, créent deux verticales fortes qui rythment le tableau en trois zones:
- La première est dans le coin inférieur droit et met en valeur les attributs de la sainte représentée.
- La deuxième avec le visage de la femme de droite et l'ouverture sur le paysage au fond, zone centrale et donc mise en valeur par l'artiste.
- Enfin, la troisième zone dans le coin supérieur gauche avec l'enfant et la femme le tenant.
L'œuvre est donc basée sur un groupe central dont les différentes lignes et les formes mettent en valeur les personnages dans leur individualité tout en rappelant leur cohésion.
b. Iconographie
Le tableau figure sainte Martine, vierge martyre morte en 226 à Rome sous le règne d'Alexandre Sévère. Refusant de faire un sacrifice à Apollon, elle est dépecée avec un crochet de fer, jetée aux bêtes, brûlée puis décapitée. Comme il se doit, la sainte est figurée avec ses attributs (le crochet de fer dans sa main gauche, le fagot et les haches à sa gauche).
La Vierge au centre porte le Christ dans un mouvement de torsion. Elle penche la tête vers sainte Martine.
Le Christ enfant tient une palme dans sa main droite, palme des martyrs qu'il s'apprête à remettre à Martine, avec l'assentiment de la Vierge qui lui soutient la main. Dans son autre main, il tient un lys blanc composé de trois fleurs, symbole de la triple virginité qui se réfère à la Vierge selon les écrits de saint Bernard. Ainsi, le placement du lys blanc, entre la Vierge et sainte Martine, pourrait laisser croire que le Christ offre la fleur aux deux femmes qui partagent cet état virginal.
La proximité et la tendresse qui sont échangées entre les différents personnages nous permet d'identifier un thème iconographique bien connu lors de la Contre Réforme: la sainte conversation.
En effet, ce tableau étant une copie d'un original de Pierre de Cortone conservé au Louvre et daté de 1643, il est tout à fait logique que son iconographie renvoie aux thèmes du XVII e siècle.
Une autre œuvre de Pierre de Cortone représente sainte Martine avec la Vierge et l'enfant Jésus. Elle est conservée à Rennes. Le cadrage y est beaucoup plus concentré sur les personnages. Mais si l'iconographie générale est différente, sainte Martine tient déjà le lys et la palme. Le Christ et la Vierge échangent une pomme, symbole typologique du Salut de l'humanité par le sacrifice du Christ.
Sainte Martine est donc appréciée par Pierre de Cortone qui est présent lorsque le corps de la martyre est découvert à Rome. Il lui lègue même à la fin de sa vie toute sa fortune.
D'autres tableaux montrent que l'œuvre de Pierre de Cortone conservée au Louvre connaît un succès fort dès le XVII e siècle. Une peinture de Nantes par Ciro Ferri reprend l'exacte composition et thème de Pierre de Cortone.
c. Stylistique :
Le style du tableau est classique. Le groupe arbore une forme pyramidale «à la Poussin», et se développe dans un paysage qui se creuse à l'arrière, type de paysage dit classique.
La touche de Mme Brincourt est assez lisse. Nous constatons l'absence d'effets d'empâtement, sauf de manière très subtile dans les feuillages, ce qui dénote avec l'original où la fluidité de la touche se trouve jusque dans les détails. Il est cependant difficile de parler de la touche avec précision du fait de l'état encrassé de l'œuvre. Est-ce la touche ou les dépôts qui provoquent cette sensation d'épaisseur par endroit ?
La différence majeure entre les deux œuvres réside dans le paysage qui est coupé d'environ 10 cm sur la hauteur. Cela vient de la taille de la toile: le tableau du Louvre mesure 136 cm de hauteur sur 157 cm de large. Ces dimensions sont donc plus grandes que celui de Mme Brincourt. La copiste a certainement du s'adapter à une toile plus petite et au lieu de changer les proportions globales de la composition, elle a préféré garder la même ampleur pour le groupe de personnages et éliminer une partie de l'arrière plan en hauteur, qui lui semblait plus anecdotique.
2. L'artiste
a. Contexte de création
La copie est effectuée au XIX e siècle, sous le second Empire. A cette période, le fonctionnement de commande des copies est très cadré. La liste civile, promulguée le 12 décembre 1852, place l'Empereur comme garant d'une certaine forme d'art. Cette liste donne la possibilité à l'Etat d'accorder des allocations financières ou des dotations mobilières et immobilières à des artistes.
Les copies commandées sont de deux types. Tout d'abord les portraits de l'Empereur et de l'Impératrice qui sont diffusés dans tout l'Empire avec pour modèle ceux peints par Winterhalter. Ils répondent à un acte politique qui vise à en pourvoir les hôtels de ville de l'ensemble de la France.
Les autres types de copies sont des tableaux religieux commandés par les préfets qui en réfèrent au ministre des Beaux-Arts. Là aussi la propagande est forte : l'Empereur montre ainsi qu'il fait des dons aux églises de France et l'Empire montre une volonté d'affirmer une présence religieuse après le cataclysme révolutionnaire.
Très fréquemment les artistes copistes sont des femmes financièrement dans le besoin. On les appelle dans les journaux d'art ou dans les salons les « demoiselles copistes ». Le choix d'une copiste ne relève pas d'un intérêt artistique mais constitue plutôt une action quasi sociale pour l'Etat qui leur alloue une somme allant de 600 à 1000 francs.
b. Mme Brincourt
Les artistes copistes choisissent eux-mêmes le sujet et envoient une demande d'autorisation au ministère des Beaux-Arts pour pouvoir en effectuer la copie.
Un dépouillement des archives avec les lettres de demande de Mme Brincourt permet de connaître des éléments biographiques sur l'artiste. La plus ancienne commande connue passée à Mme Brincourt date de 1852, c'est une copie de la Famille impériale selon Winterhalter. Pour cette première commande elle se présente comme l'élève de Louis Hersent, peintre académique. Bien que nous n'ayons conservé qu'une partie des archives, dans une précieuse lettre de mars 1863 Mme Brincourt certifie avoir obtenu la permission d'effectuer des copies de la Famille Impériale tous les ans. Ce qui signifie qu'une dizaine de portraits serait d'elle.
Mme Brincourt a été élève à la Maison Impériale de Saint-Denis (ancienne école de la Légion d'Honneur), elle habite au Faubourg Saint-Germain (l'actuel VIIe arrondissement) jusqu'en 1862, date à laquelle elle déménage au 1 rue Madame dans le VIe arrondissement. Elle est mère d'un fils qui n'a que quelques mois en 1852 et qui part en pension en octobre 1862.
Dans toutes les lettres on insiste sur sa famille, mais exclusivement la branche masculine : son père est polytechnicien, son frère est ingénieur de la marine impériale à Toulon et son cousin Rollin est général des armées. Mais surtout elle est la veuve d'un ancien banquier très endetté et elle aurait délaissé toute sa fortune pour racheter l'honneur de son défunt mari.
Elle semble être de santé fragile car elle est touchée par une maladie en 1863 qui l'empêche de travailler, tout comme en 1865, année où, tellement malade, elle ne peut rien produire.
Si l'on en croit les archives nationales, il semblerait que Mme Brincourt se soit fait une spécialité des copies de portraits de Napoléon III et Eugénie qu'elle dit avoir reproduit tous les ans. Pourtant nous avons trois témoignages de copies de tableaux religieux faites de sa main:
- Les pèlerins d'Emmaüs d'après Titien terminé en 1858 pour l'église de Bonnetable
- La Vierge à l'enfant avec sainte Martine d'après Pierre de Cortone terminé en 1858 pour l'église de Pantin
- La Mater Dolorosa d'après Jean-Baptiste de Champaigne pour l'église de Billancourt
c. Pantin
Comme toutes les commandes de copie paraissent être du même type, il ne semble pas compliqué de retracer la naissance de l'œuvre.
Mme Brincourt a dû envoyer une lettre avec la demande de permission pour reproduire le tableau de Pierre de Cortone. L'allocation lui fut donnée avec accord de la Maison impériale. Elle réalise le tableau au Louvre en 1858. Une fois terminée, la copie est entreposée.
En 1860, une lettre du préfet de la Seine annonce au maire de Pantin, qui a vraisemblablement fait une demande de tableau pour l'église Saint-Germain l'Auxerrois, qu'il a en réserve deux tableaux dont celui de Mme Brincourt qu'il compte lui faire parvenir. Deux ans plus tard, le tableau est accroché dans l'église, dans la chapelle de la Vierge, à gauche du chœur, comme le prouve une photographie ancienne.
L'inventaire Chaix est un inventaire recensant toutes les œuvres des églises en Ile-de-France. Il est constitué en 1878. Pour l'église de Pantin, on dénombre sept tableaux qui furent commandés au XIXe siècle et identifiés, dont celui de Mme Brincourt.
On constate qu'en effet, tous ces tableaux à l'exception de Louis Gibert sont peints par des femmes, ce sont tous des copies d'œuvres religieuses conservées au Louvre.
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Modalités d'entrée :
Provient de l'église Saint-Germain. Toile commandée par le département de la Seine en 1858. Puis en 1860, demande de tableaux du maire au préfet de la Seine pour orner l'église (lettre AM Pantin M25). Retrouvé dans les ateliers municipaux en 1987.
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Notes :
Constat d'état avec intervention d'urgence en novembre 2002 par la restauratrice de la couche picturale en collaboration avec le restaurateur support : pose de papiers sur les accidents ponctuels et dépoussiérage face et revers.
Nouveau constat d'état réalisé en 2013 par la restauratrice de la couche picturale et le restaurateur support. Dossier consultable au pôle mémoire et patrimoine.
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Autres données descriptives :
Inscription au dos: Mme Brincourt et le sceau de la maison Haro et Fils rue Bonaparte Paris.
Mentionné dans l'inventaire de Louis Chaix de 1878 : La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Martine, copie d'après Pierre de Cortone, Mme Brincourt, située dans la chapelle de la Vierge. Prix alloué : 600 frs.
Original au musée du Louvre.
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Documents en relation :
m025 lettre du Préfet de la Seine au maire de Pantin
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Bibliographie :
Archives nationales
F/21/67
Dossier n°18 commande des disciples d'Emmaüs pour l'église de bonnetable
Dossier n° 19 commande du portrait de l'Empereur pour la cour impériale de Besançon
F/21/122
Dossier n° 25 commande du portrait de l'Empereur pour l'hôtel de ville de Limoges
Dossier n° 26 commande du portrait de l'Empereur pour l'hôtel de ville d'Annecy
F/21/411
Dossier n° 33 commande du portrait de l'Impératrice pour l'hôtel de ville d'Annecy
F/21/425
Dossier n° 33 commande du portrait de l'Empereur pour l'hôtel de ville de Montauban
F/21/430
Dossier n° 26 commande du portrait de l'Impératrice pour l'hôtel de ville de Limoges
Archives municipales
m025 lettre du Préfet de la Seine au maire de Pantin
Fiche d'inventaire
Constat d'état
Ouvrages
Ouvrages généraux d'histoire de l'art :
BAUDOIN J., Grand livre des saints: iconographie et culte en occident, Ed. CREER, Nonette, 2006
BURNET E., Pour décorer un tableau religieux, Nouveau Testament, Ed. Cerf, Paris, 2006
PANOFSKY E., Essai d'iconologie: thèmes humanistes dans l'art de la Renaissance, Gallimard, Paris, 1967
Ouvrages sur la période artistique :
COLLECTIF, Ces églises du XIXe siècle, Ed. Encrage, Amiens, 1994
GAGNEUX Y., «Le Goût des curés parisiens d'après l'enquête épiscopale de 1854» in La Revue de l'art, 2009, pp. 9-19.
GRANGER C., L'empereur et les arts : la liste civile de Napoléon III, Thèse de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales sous la direction de LENIAUD J.-M., Ecole des Chartes, Paris, 2005
HEER L., «Copyst» in Dictionnary of women artists, Hezroy Dearborn, Chicago, 1997
Ouvrages sur Pantin :
BOURNON F., Pantin. Notice historique et renseignements administratifs, Montevrain, 1901
COLLECTIF, Le patrimoine des communes de la Seine-Saint-Denis, Flohic, Charenton-le-Pont, 1994.
DUMOLIN M., OUTARDEL G., Les eglises de France. Paris et la Seine, Paris, 1936.
Inventaire general des œuvres d'art decorant les edifices du departement de la Seine, dresse par le Service des Beaux-Arts., T. 1, arrondissement de Saint-Denis, Paris, Chaix, 1879.