Sainte Élisabeth de Hongrie
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Cote :
OAP/14
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Dates :
1853
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Format :
Dimensions : 280x390 cm avec cadre
Genre/Carac. phys. : huile sur toile, désencadrée, cadre en bois
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Biographie ou historique du producteur :
1. Composition
Lors d'une première observation de ce tableau, deux éléments retiennent particulièrement l'attention du spectateur :
- Le groupe d'enfants
Une grande diversité des poses et des habits portés par les enfants caractérise ce groupe. Les enfants se tiennent serrés les uns aux autres, comme disposés en grappe au centre de la composition. Cet effet de «grappe» est renforcé par les formes bien rondes des enfants.
Ce groupe se détache nettement de l'arrière-plan par un effet de contre-jour.
L'accent est mis sur leurs conditions modestes, à travers leurs vêtements troués et leurs jouets rudimentaires décrits avec beaucoup de soin. Une certaine trivialité est même suggérée par la chaise trouée tenue par un petit enfant au premier plan.
- La femme très élégante
Sa silhouette longiligne et la douceur des courbes de ses vêtements s'impose tout de suite au regard du spectateur. La finesse de son visage est particulièrement mis en valeur par les deux rebords très lumineux de son voile. Son corps est tourné vers la lumière mais son visage qu'elle détourne vers les enfants est lui plongé dans l'ombre.
L'élégance de son geste et la couronne qu'elle porte sur la tête renforce son air altier.
> Au premier abord, on est frappé par le contraste entre cette femme et le groupe d'enfants.
En même temps, le peintre va chercher à relier par sa composition ces deux éléments que tout oppose (vêtements, attitudes, aspect physique).
Les enfants semblent aimanter par la beauté et la douceur de cette femme. Plongée dans la lumière, elle leur apparaît comme une apparition. Cette fascination des enfants pour la «belle dame», se traduit par de nombreux détails concrets :
- les visages des enfants sont levés vers elle et leurs regards orientés dans sa direction
- certains enfants la touchent ou l'agrippent ; notamment l'enfant qui retient la main de sainte Élisabeth sur son visage.
Le peintre fait le choix d'une diagonale forte qui relie le poupon rose assis par terre à la main de la sainte. Tout le groupe des enfants est orienté selon cette diagonale.
> Cette composition permet de traduire le besoin de douceur des enfants. Ce besoin semble encore plus pressant que leur faim puisque la jupe remplie de pains n'attire elle aucun regard.
Mais la sainte va utiliser son ascendant sur les enfants pour les élever vers une dimension plus spirituelle :
- par un geste de désignation, la sainte indique aux enfants le crucifix suspendu au pilier. En attirant le regard des enfants et donc celui du spectateur vers le crucifix, sainte Elisabeth nous amène à découvrir les fragments du Pater Noster inscrits sur le mur, à droite du crucifix.
Le crucifix et le texte du Pater Noster sont plongés dans l'ombre. Ce choix est fait pour renforcer le rôle de médiatrice de sainte Elisabeth : sans elle, les enfants, et avec eux le spectateur, ne pourraient pas découvrir les éléments les plus importants (sur le plan symbolique) de la composition.
- le schéma principal de cette composition est une spirale ascendante, qui part du poupon (vu de dos) et s'élève jusqu'au crucifix, en passant par la «grappe» d'enfants et sainte Elisabeth.
Cette scène centrale est équilibrée par deux scènes latérales, plongées dans l'ombre:
- la femme qui tient des pains dans sa jupe et nourrit le groupe d'enfants
- le moine qui fait chanter un jeune garçon (le psautier est ouvert sur le lutrin)
Il s'agit de 2 «acolytes» de la sainte. Ils sont cantonnés à des tâches plus matérielles et terre à terre que la sainte.
L'éclairage en clair-obscur accentue ce découpage du tableau en trois scènes. La scène centrale, éclairée à contre-jour, ressort fortement alors que les deux scènes latérales sont plongées dans la pénombre.
Ces deux scènes latérales font écho au crucifix, lui aussi plongé dans la pénombre, créant ainsi un schéma triangulaire à l'intérieur de la composition. Ce schéma triangulaire est renforcé par le lutrin à gauche et l'inclinaison du corps de sainte Elisabeth à droite.
> La scène centrale est très mise en valeur par la composition et l'éclairage. C'est donc les caractéristiques de cette scène ( le côté charnel et dodu de ces enfants et la douceur et élégance de la sainte) que l'on retient lors d'une première vision de ce tableau.
2. Iconographie et style
Des écarts par rapport à l'iconographie traditionnelle de la sainte :
- vie de sainte Élisabeth de Hongrie
1207 : naissance d' Élisabeth, fille du roi André II de Hongrie
1221 : à 14 ans, elle épouse Louis IV (landgrave de Thuringe). C'est un mariage heureux, duquel naîtront trois enfants.
1227 : Louis IV part pour la croisade, il y meurt de la peste. Élisabeth devient veuve à 20 ans.
Elle refuse de se remarier et quitte la cour de son beau-frère.
1228 : elle va s'installer à Marburg (près de son confesseur) et entre dans le tiers ordre franciscain.
Elle mène une vie de grande pauvreté, portant assistance aux indigents et fondant un hôpital.
1231 : elle meurt à 24 ans à Marburg.
1235 : elle est canonisée.
L'iconographie la plus fréquente représente sainte Élisabeth en train de faire la charité. Elle tient un broc et une corbeille de pain. Dans certains cas, sa jupe est remplie de roses en référence à l'un des épisodes miraculeux de sa vie : alors qu'elle dérobait de la nourriture pour la donner aux pauvres, elle se fit surprendre. Les pains volés se transformèrent en roses, empêchant ainsi la sainte d'être accusée de vol.
Elle peut être vêtue de l'habit franciscain ou de ses habits princiers et de sa couronne.
Dans notre tableau, les attributs traditionnels de la sainte sont portés par d'autres personnages : une suivante qui tient sa jupe remplie de pains et une petite fille qui porte le broc. Cela permet à la sainte de se concentrer sur son action de catéchisme, action encore plus noble et spirituelle que celle de faire la charité.
Sur le plan iconographique, le peintre prend une certaine liberté avec la représentation traditionnelle. Mais il revêt la sainte de ses habits princiers et de sa couronne pour qu'elle reste bien identifiable.
Une composition étonnante sur le plan iconographique :
Par le jeu de la lumière, les deux éléments iconographiques les plus importants, le crucifix et le texte du Pater Noster, sont relégués au second plan. Ils sont plongés dans une zone de pénombre qui contraste fortement avec la zone lumineuse qui se trouve juste en dessous.
Ce ne sont pas eux qui retiennent l'attention mais le groupe extrêmement vivant, composé par la sainte et les enfants, placé en dessous.
Étonnamment, le crucifix n'est pas la première chose que l'on voit alors qu'il occupe la première place sur le plan symbolique. Le peintre semble plutôt privilégier ici la description très précise des enfants et de leur accessoire (jouets, fuseau...) ainsi que celle du décor (église romane, le lutrin, le dallage...).
On retrouve dans ce tableau une tendance déjà pointée par la critique dans d'autres tableaux de Glaize : le goût de l'anecdotique au détriment du discours religieux et de son symbolisme.
Cette tendance se retrouve chez le peintre Eugène Devéria qui fut le maître de Auguste-Barthélémy Glaize.
Devéria est plutôt un peintre de sujets historiques, il n'a peint que très peu de sujets religieux pendant toute sa carrière. Mais il ne respecte pas tous les codes en vigueur pour la «peinture d'histoire», le genre le plus réputé au Salon.
Pour cette raison, sa peinture a récolté de nombreuses critiques. On lui reproche principalement de privilégier l'anecdote sur le grand fait historique et sa dimension morale.
Cela se traduit par de nombreux exemples concrets :
- le choix d'un sujet tiré de l'histoire médiévale plutôt que de l'histoire classique
- le fait de multiplier les personnages secondaires au détriment du héros principal
- l'importance donnée à l'aspect extérieur, à la représentation d'éléments significatifs et exacts, caractéristiques des temps anciens (marqueurs d'une époque et d'une région). > Goût très prononcé pour la précision archéologique.
Cette importance accordée à tous ces détails secondaires se fait au détriment de la portée symbolique du sujet et de l'émotion qui doit se dégager du tableau pour permettre l'élévation morale du spectateur.
On parle, pour cette nouvelle tendance, de «genre historique». Ce nouveau genre permet de reconnaître officiellement un type de peinture, à cheval entre la peinture d'histoire (dont l'exemple le plus élevé est la peinture néoclassique de David) et la peinture de genre. Ce terme est admis au Salon dans les années 1830.
Dans le tableau de sainte Élisabeth, Glaize se situe tout à fait dans la lignée de Devéria. On y retrouve bien un goût prononcé pour les descriptions de décor, costumes et accessoires au détriment du sentiment religieux, qui passe ici au second plan (crucifix dans la pénombre). On peut faire à Glaize le même reproche qu'à Devéria : sa peinture manque d'élévation.
Mais cette critique doit être nuancée. Par son éclairage en clair-obscur, Glaize crée une atmosphère propice au sentiment religieux. Comme nous l'avons vu plus haut, la pénombre permet aussi de valoriser le geste de médiation de sainte Élisabeth.
3. Glaize, une carrière honnête
Auguste-Barthélémy Glaize naît à Montpellier, en 1807. Il est formé dans l'atelier d'Achille et Eugène Devéria. Puis, il débute comme peintre d'histoire. Assez rapidement, il connaît une carrière officielle. Il expose au Salon de 1836 à 1894 (exposition posthume) et y reçoit plusieurs distinctions. Plusieurs de ses œuvres exposées au Salon sont acquises par l'État et envoyées en province («dépôts de l'État»).
Par exemple :
- le Pilori , 1855 : acquis par l'État, déposé en 1873 au musée de Marseille.
- les femmes gauloises , 1851 : commande passée par l'État, acquis en 1853 et déposé au musée Rolin d'Autin. (aujourd'hui conservé au musée de Picardie à Amiens)
En plus de la peinture d'histoire, Glaize s'illustre dans la peinture de nus (influencée par la peinture de Cabanel) :
- le sang de vénus , 1845, Montpellier
- les baigneuses , 1881, musée Bonnat, Bayonne
Il réalise aussi quelques portraits dans une veine «anecdotique» :
- portrait d'Alfred Bruyas dit le Burnous , 1849, musée Fabre, Montpellier
Comme la plupart des peintres reconnus au salon, il participe aux grands chantiers de décoration des églises parisiennes (Saint Sulpice, Saint Gervais-Saint Protais). On peut rattacher le tableau de Pantin à cette activité.
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Historique de la conservation :
Classé monument historique par arrêté du 4 avril 1907.
Restauré en 1997, puis en janvier 2000 suite à un dégât des eaux dû à la tempête de 1999. Cadre restauré en 1999. Oeuvre accrochée dans le couloir du 1er étage de l'hôtel de ville.
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Modalités d'entrée :
Provient de l'église Saint-Germain. Tableau livré par Glaize en 1860 et acquis par la commune de Pantin pour la somme de 4000 francs.
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Autres données descriptives :
Daté et signé dans l'angle inférieur droit. Mentionné dans l'inventaire de Louis Chaix de 1878: "Asile-École Sainte-Élisabeth, exposé au Salon de 1853. Situé dans la chapelle des Fonts baptismaux."
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Documents en relation :
AM Pantin m006 et AM Pantin m025.