Journée douce et sèche
Hier, l'Allemagne a déclaré la guerre à la France et à la Belgique. Ces mots je n'ai pas pu les écrire avant.
Pierre est passé à la maison en fin de soirée, il était aux obsèques de Jean Jaurès. Jouhaux dans son discours, comme le président de la République Raymond Poincaré, a fait appel à l'entente et à l'union. Papa partage cet élan patriotique mais en ce qui concerne Pierre, je n'ai pas compris s'il était d'accord avec eux. Maman est triste et m'encourage à prier avec elle. Moi, je ne saurais décrire l'état dans lequel je me trouve. L'ambiance est étrange. Les rues sont très animées et pavoisées ; les réquisitions des chevaux, des autobus, ont commencé. Lorsque des groupes de soldats passent, les gens applaudissent. Mais, les esprits sont échauffés, les pillages des magasins supposés allemands continuent, les devantures sont fracassées comme celles du suisse Maggi, de l'épicerie Doudeuil, du marchand de vin Fuhrer et même chez Schaeffer, ma pâtisserie préférée au 137 rue de Paris. Les émeutiers sont peut-être des « patriotes » en colère mais ils n'oublient pas d'emporter des marchandises comme les jambons de l'usine de monsieur Carl Jörn !1
1 Archives municipales de Pantin, H/15, D/48.