Guerre du Golfe
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Cote :
OAP/112
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Dates :
1994
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Format :
Dimensions : 150x145 cm
Genre/Carac. phys. : 4 gravures (eau-forte) sur papier de soie, marouflées sur toile
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Biographie ou historique du producteur :
Samta Benyahia est née en 1949 à Constantine en Algérie. Elle étudie à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts décoratifs de Paris entre 1974 et 1979. Plasticienne, elle se spécialise ensuite dans la gravure.
En 1980, elle rentre en Algérie et devient professeur à l'Ecole Supérieure des Beaux Arts d'Alger jusqu'en 1988.
En 1988, revenue en France pour des raisons professionnelles et personnelles, elle s'installe à Pantin.
En 1989, elle obtient son DEA en Arts Plastiques à l'Université Paris VIII.
Depuis 2000, elle vit et travaille à Saint-Denis.
Elle est représentée à Paris par la Galerie Martine et Thibault de la Châtre.
DEMARCHE
Son oeuvre est nourrie d'une grande part d'autobiographie. En exil, Samta Benyahia puise dans son imaginaire enfantin, dans ses racines algériennes pour combiner enracinement et ouverture, réaliser une liaison intime, une circulation incessante entre le local et l'universel.
Cette systématique du passage, consistant à nous conduire d'un monde à un autre, d'un état à un autre est récurrente dans l'oeuvre de Samta Benyahia . Pour son diplôme de gravure à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, elle effectue un travail de recherche sur les signes et les symboles de l'art traditionnel en Algérie et crée pour cela un répertoire de formes. Samta Benyahia utilise le signe sans limite, jusqu'à la prolifération, la création se fait ainsi l'index même de la complexité du réel. Ces signes géométriques alimentent son vocabulaire plastique durant plusieurs années de travail sur la résurgence des formes ancestrales.
Depuis le début des années 1990, Samta Benyahia intègre de grands portraits de femmes dans ses œuvres en réaction à la violence qui leur ai faite durant les «années noires» et témoigne ainsi de cette féminité malmenée. Elle travaille d'abord sur des archives photographiques familiales et son premier portrait est celui de sa mère. C'est un hommage à cette génération de femmes tolérantes, ouvertes d'esprit malgré leur condition de vie sous la colonisation, qui ont tout fait pour que leurs enfants et en particulier leurs filles, aient un autre destin. Sa mère devient une icône de toutes les femmes algériennes.
L'OEUVRE
Ce travail sur la guerre du golfe est une réponse à la surinformation, à la surenchère d' images montrées chaque jour jusqu'à saturation lors du journal télévisé de 20h. Pour dénoncer cette médiatisation excessive et en réaction à ce qu'elle voit, Samta Benyahia développe un travail basé sur le signe. Tous les soirs, elle grave sur une plaque de cuivre un mini écran de télévision qu'elle remplit avec un motif particulier au fur et à mesure de l'évolution de la guerre, jusqu'au cessez-le-feu. Cette œuvre est un mélange de signes, d'écriture, de message.
Le signe dessiné chaque soir n'est pas vraiment pensé, il est souvent inconscient, dicté par les images vues à la télévision. Il devient automatique, résultat d'une réaction face aux images montrées. Il représente des moments d'interrogation et d'incompréhension. L'abstraction du signe voulue par l'artiste permet également au spectateur de développer sa propre vision, de s'approprier l'œuvre.
LA TECHNIQUE
C'est une gravure à l'eau forte. Samta Benyahia a directement dessiné sur une plaque de cuivre recouverte de vernis à l'aide d'une pointe sèche (pointe d'acier) qui entaille le vernis et met le cuivre à nu. Une fois le dessin terminé, la plaque est plongée dans un bain d'acide (aqua fortis) qui corrode les parties entaillées. Après la morsure, le graveur ôte le vernis et passe à la phase d'encrage et de presse.
Pour l'impression, l'artiste a choisi ici le papier de soie, léger, aérien et presque transparent qui lui rappelle le voile, le voilage, très importants dans sa culture algérienne. Elle l'a ensuite marouflé sur une toile.
Samta Benyahia a débuté ses études par la peinture mais s'est très vite passionnée pour la gravure qu'elle travaille comme une peinture. Elle veut aller au delà de la technique traditionnelle. Alors que le graveur ne présente que l'épreuve finale et jette les essais intermédiaires, Samta Benyahia fait l'inverse pour montrer le processus de la gravure dans ses œuvres. Dans «Guerre du Golfe» on voit par exemple quelques traces de l'encre de la plaque sur le papier.
Son travail de multiplication, de répétition de l'œuvre, découle également de cette pensée. Le graveur multiplie les essais pour arriver au résultat final et ne tire qu'un exemplaire, Samta Benyahia, quant à elle, fait de la multiplication une œuvre à part entière. Elle présente le même tirage plusieurs fois pour recréer une autre dimension, donner un autre sens à l'œuvre, cette multiplication devient un concept et non une erreur de gravure. Elle souhaite ainsi défendre la gravure comme technique majeure au même titre que la peinture ou la sculpture.
Ici, «Guerre du Golfe» est reproduit quatre fois. La multiplication des signes crée ainsi une nouvelle œuvre qu'elle tire à 60 exemplaires.
Son travail aujourd'hui
Le travail effectué à Pantin est une étape dans son oeuvre. Aujourd'hui elle n'utilise plus qu'un seul signe, la rosace, motif décoratif propre au moucharabieh maghrébin, qu'elle multiplie et répète à l'infini dans des combinaisons sans cesse renouvelées.
Cette multiplication agit en effet sur l'architecture du lieu et sur la lumière. Samta Benyahia utilise la photographie ou la sérigraphie qui lui servent «pour intervenir dans l'espace où se situent ses installations, pour occuper ces lieux de visibilité par des recouvrements d'images qui y instituent des seuils, des écrans pénétrables qu'il nous faut à la fois regarder et traverser mentalement.» (Ramon Tio Bellido, 2003)
Aujourd'hui, elle travaille beaucoup sur la transparence des lieux avec des installations sur des baies vitrées. La rosace, fil conducteur de son travail, est exposée sur films transparents. Elle détourne ainsi une des fonctions du moucharabieh : voir sans être vu.
Elle utilise essentiellement le bleu, symbole de la lumière de la méditerranée. En exil, c'est une façon pour elle de retrouver ses origines. L'artiste continue de travailler sur la mémoire, sur sa double culture. Dans ses installations, en plus des motifs récurrents du moucharabieh, Samta Benyahia utilise le son et le texte : ses oeuvres sonores évoquent les femmes algériennes qu'on entendait derrière le moucharabieh mais qu'on ne voyait pas. Elle intègre ainsi des rires, des conversations, mais également des poèmes récités en arabe et en français. Ces installations permettent ainsi d'explorer les relations entre la lumière et l'ombre, l'espace public et privé, l'extérieur et l'intérieur, être vu et caché. Elle nous fait pénétrer dans un espace transitoire dans lequel peut s'établir une rencontre, un dialogue, un contact.
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Modalités d'entrée :
Achat en atelier en 1996.
- Bibliographie :