La ville est constituée de limites, de territoires évolutifs plus ou moins différenciés qu'il est essentiel de mesurer.
Avant même l’invention de l’écriture, les hommes ont utilisé des cartes pour dessiner leur territoire. La carte se présente alors, à la fois comme un objet utilitaire mais aussi comme un objet conceptuel, une représentation du monde.
La collection des cartes et plans de Pantin, conservée aux archives municipales, commence au XIXe siècle.
L'exposition en offre une sélection qui permet une lecture des évolutions de la ville, de ses équipements et de son habitat. Elle affiche aussi la variété des emplois et des supports des plans dans le temps.
Cette représentation de trois plans aquarellés montre l'évolution de Pantin, du village agricole, centré autour de l'église Saint-Germain, à la ville industrielle.
Fief des moines de l'abbaye de Saint-Martin-des-Champs jusqu'en 1563, les terres de Pantin sont ensuite vendues à des laïcs dont le premier acquéreur est le seigneur d'Orval et de Machefroy. Au XVIIIe siècle, Pantin devient un lieu de villégiature avec ses tavernes et ses guinguettes et reçoit des célébrités parisiennes telles La Guimard ou la vicomtesse de Polignac. En 1790 le village subit une première amputation avec la création de la commune du Pré-Saint-Gervais, ancien hameau de la paroisse.
À la fin du XIXe siècle, les terres agricoles cèdent la place aux industries, les voies de communication se développent et d'autres annexions de son territoire modifient considérablement la physionomie du village qui se transforme en une véritable ville industrielle. La naissance de nouveaux quartiers ainsi que le déplacement du centre, de l'église Saint-Germain vers le canal et la voie de chemin de fer, marquent une ère dans le développement urbain de la ville.
Ces vues de l'évolution de Pantin sont un des outils de communication de la politique sociale et urbaine du maire Charles Auray, marqué par le socialisme municipal. Alors que le territoire de Pantin ne cesse de s'amoindrir depuis le XIXe siècle, la commune de 1936 est représentée ici plus vaste qu'en 1802. Le changement d'échelle participe au discours du maire qui met en avant une vision progressiste de l'histoire.
Au début du XIXe siècle, le village de Pantin se développe selon trois axes très anciens :
- la route de Paris à Meaux, actuellement avenue Jean-Lolive et ancienne route de Lutèce à Trèves, construite par les Romains au IIIe siècle de notre ère ;
- la partie basse du chemin d'Aubervilliers au Pré-Saint-Gervais, ancienne route de Saint-Denis et actuelle rue Hoche ;
- l'ancien chemin vicinal ordinaire n°1, devenu par la suite rue de Montreuil, actuelle rue Charles-Auray.
A la jonction de la plaine et des coteaux, ce village-rue s'étend en baïonnette le long des trois routes. La commune, qui compte 901 habitants en 1801, est essentiellement peuplée d'agriculteurs. Les terres labourables au nord du village sont surtout réservées aux cultures céréalières, tandis que la partie sud est occupée par des arbres fruitiers, des cultures maraîchères, des vignes. Les carrières de plâtre se situent à l'extrême sud-est du village.
En 1802, la construction du canal de l'Ourcq, aménagé par la volonté de Bonaparte, débute à peine. Conçu pour l'alimentation en eau de Paris et le transport - notamment du bois, du plâtre et des céréales vers la capitale -, il est achevé en 1822. Son tracé coupe en deux la commune, isolant définitivement le village des terres cultivées au nord du territoire et introduit une rupture territoriale forte, avec jusqu'à la fin du XIXe siècle un seul pont - l'actuel pont de la mairie - pour le franchir.
En 1802, les limites de la commune diffèrent beaucoup de celles d'aujourd'hui. Pantin est séparée de Paris par le hameau de la Villette, et les Lilas n'existent pas encore.
Vers la fin des années 1870, Pantin est en pleine expansion urbaine.
La ville devient, en partie grâce aux voies de communication qui la traversent, une ville industrielle. La voie d'eau du canal de l'Ourcq, qui double les deux grandes routes nationales n°2 et n°3, ainsi que la voie de chemin de fer Paris-Strasbourg, construite en 1846, favorisent l'implantation des industries, qui trouvent par ailleurs l'espace nécessaire à leur implantation à des prix inférieurs à ceux de la capitale.
De plus, en 1859, avec l'annexion par Paris de ses communes limitrophes (dont la Villette), Pantin se trouve aux portes de la capitale. Cette situation favorise l'accueil des activités rejetées par la grande ville.
Enfin, l'ouverture du marché aux bestiaux et des abattoirs de la Villette en 1866 conforte ce mouvement et accentue le processus d'industrialisation, notamment le long de la route de Flandres (actuelle avenue Jean-Jaurès) qui devient un axe important de l'industrie chimique traitant des résidus organiques des abattoirs. Cette dynamique industrielle, concentrée essentiellement entre la voie ferrée, le canal et la route nationale n°2, donne naissance au quartier des Quatre-Chemins.
Alors que Pantin devient ville industrielle et a besoin de terrains pour implanter usines et logements, le territoire de la commune subit de nouvelles amputations dans la seconde moitié du XIXe siècle.
L'édification du fort d'Aubervilliers sur le territoire de Pantin, associé au mur des fortifications élevé autour de la capitale et la création de la commune des Lilas en 1867, à la pointe sud, font perdre à la ville plus de 113 hectares.
En 1896, Pantin compte 25 586 habitants et tous les secteurs industriels sont représentés. La ville se densifie et pour satisfaire aux besoins de cette population de plus en plus nombreuse, elle lance pour la première fois de grands chantiers à l'échelle de toute la commune. Ainsi de 1876 à 1901, sont édifiés quatre groupes scolaires, deux salles des fêtes et un hospice intercommunal.
Pour satisfaire et apaiser les habitants des Quatre-Chemins, qui avaient tenté de faire sécession, la municipalité décide d'abandonner le centre historique près de l'église Saint-Germain, au profit d'une zone peu urbanisée entre le canal et la gare, à mi-chemin de l'église et du nouveau quartier industriel. Elle y construit, en 1886, une nouvelle mairie et un groupe scolaire en 1889, ce qui provoque un début d'urbanisation du secteur.
Le territoire de Pantin continue d'être modifié. Un décret d'utilité publique, impose l'implantation de cimetières "extra-muros" de Paris et ce, malgré les vives protestations des municipalités concernées. La construction du cimetière parisien de Pantin en 1886 prive en effet la ville de 70 hectares de terre à blé et isole définitivement le lieu-dit des Courtillières.
Quant aux voies ferrées, elles accroissent considérablement leur emprise en se développant par ramifications et accentuent fortement l'effet de coupure du territoire.
Au lendemain de la première guerre mondiale, la municipalité de Charles Auray (SFIO) remplace l'équipe municipale d'industriels et de notables. Elle projette alors de grands travaux urbains qui modifient cette ville ouvrière et lui offre notamment de nombreux équipements dans une vision hygiéniste idéale. Pantin manque en effet d'équipements collectifs, sanitaires, éducatifs et les immeubles du XIXe siècle, devenus insalubres, ne répondent plus aux nouvelles pratiques sociales en matière d'hygiène. Le programme comprend un développement de la voirie et son assainissement, une constitution de réserves foncières pour espaces verts ou équipements et la construction de logements publics.
L'élaboration du Plan d'Aménagement et d'Embellissement du Département de la Seine donne l'occasion à la municipalité de définir un ordre de priorité pour le financement et la réalisation de ces projets.
Cette volonté municipale trouve son champ d’application sur un vaste espace encore libre au pied du fort de Romainville : le domaine de la Seigneurie. Acquis auprès de la ville de Paris, il devient la plus importante réserve foncière de la ville.
En 1919, les fortifications sont détruites, la zone de 250 mètres non aedificandi, déclassée, et les terrains ainsi libérés sont annexés à Paris. À Pantin, le territoire perdu est de 33 hectares. Dans le projet d'aménagement, la "zone" devait devenir une ceinture verte.
Au sortir de la seconde guerre mondiale, Pantin se trouve confrontée à une crise aiguë du logement, due aux destructions, au retard dans la construction dans l'entre-deux-guerres et à la pression démographique. Pour répondre à cette situation dramatique, aggravée par la présence d'îlots reconnus insalubres, plusieurs programmes ambitieux et de qualité vont être réalisés créant ainsi un patrimoine exceptionnel et représentatif du logement social du XXe siècle.
Le quartier de l’Église fait partie d'une des opérations pionnières d’ampleur conduites par le ministère de la Reconstruction et de l’urbanisme. Confiée à l'architecte suisse Denis Honegger, ancien élève d'Auguste Perret, cette rénovation urbaine devait aussi créer un nouveau lieu de centralité à Pantin, en contrepoint du quartier nord (mairie, gare, équipements…) Commencé en 1951 ce programme expérimental s’achève à la fin des années soixante-dix. Il est amputé de tout son volet équipements et se cantonne au logement ; seuls 795 logements HLM seront construits sur les 2 000 prévus.
L'autre grand chantier des années cinquante se situe à l'extrême nord-est aux Courtillières. Le plan d'ensemble est élaboré par Émile Aillaud qui prône une mixité programmatique. Aux formes libres des immeubles de logements en serpentin et des tours cruciformes, il ajoute des bâtiments scolaires, une crèche et une PMI.
À la même époque, Fernand Pouillon construit la résidence du Parc Victor-Hugo à l'emplacement de l'ancienne distillerie Delizy-Doistau. Il détourne les techniques industrielles pour mettre en œuvre comme des parpaings la "pierre préfabriquée". Pouillon associe alors l’ordonnancement des façades à des plantations très disciplinées dans un dispositif de mise en scène se référant à l’antiquité.
D'autres logements sociaux sont également édifiés par Félix Dumail qui prolonge la cité jardins des Pommiers par celle des Auteurs de 1947 à 1952.
Enfin, Bernard Zehrfuss dessine les tours HLM édifiées de 1962 à 1967 avenue Jean-Jaurès et rue Gabrielle-Josserand.
Pantin porteuse de son histoire est caractérisée aujourd'hui par une très grande hétérogénéité, tant dans le maintien d'une certaine mixité entre habitat, activités et équipements, que dans les typologies du bâti ou dans la multiplication de ses centralités : mairie, église, pôle des Courtillières.
Ce paysage complexe est marqué par une densité des équipements et de l'habitat dont la dynamique locale a été renforcée par la décentralisation. Les reconversions de sites, comme celui de la chambre de commerce, et les réhabilitations ou rénovations urbaines deviennent des outils prépondérants des stratégies du développement communal. Parallèlement l'investissement des habitants dans l'évolution de leur ville et de leur cadre de vie se concrétise dans une exigence de qualité architecturale et parfois de patrimonialisation.
Pantin est aussi une des communes de la première couronne parisienne à être la plus marquée par des activités dévoreuses d'espace qui se sont développées de manière autonome vis-à-vis du territoire communal, tels la SNCF, Pantin Logistique... La mutation de ses activités couvrant près de 20 % du territoire est un enjeu considérable.
Dans ces espaces éclectiques, les infrastructures surtout à Pantin, ordonnent l'espace. Les grandes coupures du territoire communal (canal, voies ferrées, routes, cimetières) souvent dénoncées deviennent des atouts majeurs et renforcent l'inscription de la commune dans une beaucoup plus vaste échelle.
Conception et textes : pôle Mémoire et patrimoine de la ville de Pantin
Numérisation des documents : pôle Mémoire et patrimoine de la ville de Pantin
Plan de Pantin en 2016 : direction de l'Urbanisme de la ville de Pantin
Image de couverture : © Didier Blavette - Altelia