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La fuite en Égypte

  • Cote :

    OAP/11

  • Dates :

    [1900]

  • Format :

    Dimensions : 83 cm de haut, 90 cm de large, 24,5 cm d'épaisseur, ca 300-400kg

    Genre/Carac. phys. : sculpture haut-relief en marbre blanc

  • Biographie ou historique du producteur :

    1. L'œuvre

    a. Iconographie

    Est-ce bien une fuite en Egypte ou une autre scène que Jacques Froment-Meurice, l'auteur de l'œuvre, a voulu représenter ici?

    Issue de l'évangile de Matthieu (très bref sur le sujet), l'iconographie de la Fuite en Egypte s'est nourrie des évangiles apocryphes tels que le proto évangile de Jacques. Des codes de représentation émergent rapidement, les chapiteaux de Saint-Benoit-sur-Loire et d'Autun en témoignent. Ici, l'artiste s'éloigne de ces codes. L'absence de Joseph, le choix de représenter deux chevaux à la place de l'âne pour les montures, la position de la Vierge, debout et non sur le dos de la monture, et du Christ, directement sur le poulain et non sur les genoux de sa mère, sont autant d'éléments qui perturbent notre compréhension de la scène.

    Pourtant, Marie porte des bijoux et des vêtements de type orientaux. Les palmiers à l'arrière permettent de situer la scène dans l'aire géographique traversée pendant la fuite en Egypte. Le contexte de commande pour un édifice religieux nous amène à identifier cette scène comme tel. Il est cependant possible d'y voir une iconographie mêlée entre cette fuite et l'épisode du palmier miraculeux lors du repos, raconté par l'évangile apocryphe du pseudo Matthieu.

    Il est donc possible d'envisager que la scène représentée soit une synthèse des épisodes divers de la Fuite en Egypte qui connaissent un succès réel dans les Beaux-Arts aux XVIIIe et XIXe siècles.

    b. Technique et matériau

    La sculpture est en marbre. La taille de la pierre diffère selon les endroits du bloc sur lequel s'épanouit la scène.

    Le pourtour est travaillé grossièrement, les traces d'outils sont encore apparentes créant comme un cadre visuel qui délimite la fresque. A l'inverse, le centre de la dalle de marbre est travaillé avec soin, poli à l'extrême, offrant une certaine onctuosité à la pierre qui accentue la douceur de la scène. L'alliance de deux types de taille sur une même œuvre rappelle les œuvres de Rodin telles que Le Sommeil. Ainsi la technique des différentes tailles positionnées comme tel et utilisée par Jacques Froment-Meurice est typique de la fin du XIXe siècle et permise par les évolutions structurelles de la sculpture.

    Alors que le premier plan est traité en très haut relief, l'arrière plan est à peine esquissé. Cette opposition de la profondeur de taille renforce la sensation de perspective contenue dans l'œuvre et dynamise l'action. La scène au premier plan, scène principale et narrative, est mise en avant, le regard du spectateur est automatiquement attiré par celle-ci. En revanche, le paysage à l'arrière composé de montagnes et de palmiers est presque oublié.

    c. Composition

    C'est grâce à la composition que ce paysage prend tout son sens. Deux lignes structurent la scène: la première se situe au piémont du paysage montagneux et la seconde en partie supérieure des figures du premier plan. Elles forment un triangle qui se rejoint au niveau des oreilles de la jument et qui s'ouvre à l'arrière de la vierge. Cette organisation permet de donner un sens de lecture à la scène, de gauche à droite. Pourtant, les protagonistes sont placés dans l'autre sens, allant de la droite vers la gauche. Cette contradiction de construction entre les lignes maîtresses et la narration anime la surface.

    Les lignes horizontales sont contrebalancées par des lignes verticales qui structurent la sculpture et insistent sur les différents sujets qui s'y déploient. La première se situe au niveau de la patte de la jument et remonte jusqu'à ses oreilles. La deuxième se place sur la patte avant du poulain jusqu'à sa tête et la dernière monte de la jambe de la vierge jusqu'à la tête du Christ. Deux groupes apparaissent alors pleinement: la jument et son poulain d'une part et la vierge et le Christ de l'autre. Le monde animal et le monde humain sont traités pour eux mêmes mais se rejoignent pour renforcer une métaphore tissée par l'artiste: le rapport entre une mère et son fils.

    2. L'artiste et le contexte

    a. L'artiste

    Jacques Froment-Meurice naît en 1864. Il travaille à Passy dans son atelier jusqu'à sa mort en 1947. Il descend d'une famille d'artistes renommés, spécialisés dans l'orfèvrerie. Il est formé par son père, Emile, qui travailla beaucoup pour l'aristocratie du Second Empire. Après quelques créations d'orfèvrerie il se tourne vers la sculpture. Il suit une formation de sculpteur auprès de Chapu à l'académie Julian. En parallèle, il suit des études de vétérinaire à Maison-Alfort qui le familiarisent avec la figure animale. Très tôt il se spécialise dans la représentation des équidés.

    Durant toute sa carrière, il répond principalement à des commandes publiques.

    b. Sculpture animalière et sculpture religieuse

    La sculpture animalière fut longtemps considérée comme un sous-genre. Mais à l'occasion du Salon de 1831 elle connaît un véritable succès grâce à l'œuvre d'Antoine Louis Barye intitulée le Tigre dévorant un gavial. L'animal n'est plus alors représenté de manière idéale et dans un contexte mythologique mais bien pour lui même et de manière naturaliste. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, la sculpture animalière connaît l'amour du public. C'est bien dans ce contexte que se place Jacques Froment-Meurice. La notoriété de Froment-Meurice comme sculpteur animalier est évidente, c'est à lui que revient même de réaliser le monument aux morts de l'école de cavalerie à Saumur. Les très nombreuses esquisses que l'artiste réalise sur les chevaux montrent des similitudes avec le traitement des équidés dans notre œuvre : les ventres arrondis des chevaux, les pattes frêles aux genoux noueux et une certaine tension musculaire dans le cou. Ainsi le relief conservé à Pantin est propre aux considérations esthétiques et iconographiques de l'artiste.

    La grande originalité de l'œuvre de Pantin repose dans son iconographie. L'artiste a fait preuve ici d'une grande indépendance face aux canons des représentations de l'Eglise. L'œuvre est pourtant une commande (du département de la Seine?) déposée par la suite dans l'église Saint-Germain l'Auxerrois, commande publique qui impose généralement une fidélité aux canons. Les sculptures religieuses à cette période sont excessivement rares. Jacques Froment-Meurice est le fruit d'un contexte, celui de la fin du XIXe siècle qui s'éloigne de l'art religieux pour privilégier des scènes du quotidien. La grandeur de cette artiste est bien ici de faire dialoguer les deux. C'est certainement sa formation éclectique allant des études de vétérinaire aux arts décoratifs qui lui a permis de s'affranchir des canons pour réaliser son œuvre.

  • Historique de la conservation :

    Restauré en avril 2005.

  • Modalités d'entrée :

    Il s'agirait d'un dépôt du département de la Seine.

  • Bibliographie :

    1. Sources

    Archives nationales

    F/21/6981 Beaux-Arts, Jacques Froment-Meurice

    Centre de documentation Orsay - Dossier d'artiste n° 29263

    2. Ouvrages iconographiques

    PARIS J., La fuite en Egypte, Regard, 1998

    VALENSI L., La fuite en Egypte: histoires d'Orient et d'Occident, Seuil, 2002

    Ouvrages sur l'artiste

    HACHET J.C., Dictionnaire illustré des sculpteurs animaliers de l'Antiquité à nos jours, 2004

    LANFRANCHI J., Les statues des grands hommes à Paris, cœurs de bronze, têtes de pierre, L'Harmattan, 2004

    TABARIES DE GRANDSAIGNES, «L'atelier de Jacques Froment-Meurice», in Bulletin de la Société historique d'Auteuil et de Passy, 1905

    Trésors d'argent - Les Froment-Meurice, Orfèvres romantiques parisiens, cat. exp. Musée de la Vie romantique, 2003

    Ouvrages sur le contexte artistique

    BARBILLON Claire, Le relief au croisement des arts du 19e siècle, Picard, 2014

    MILNER John, Ateliers d'artiste: paris capitale des arts à la fin du 19e siècle, Du May, 1990

    PENLOU Séverine, La sculpture religieuse à Lyon de 1850 à 1914, Thèse de l'université de Lyon 2, 2008

    SAINT-MARTIN, Art et religion en France aux 19e et 20e siècles, Thèse de l'université Paris Ouest Nanterre, 2011

    SALCE Coralie, La violence dans la sculpture animalière en France de 1830 à 1900, Thèse de l'université de Bourgogne, 2012

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