Dimanche 28 mars 1915
Le 14/09/2015 à 15h50 par Eugénie Lutz

Journée froide et sèche

 

Cet après-midi j'ai accompagné tante Jeanne qui apportait un colis à une pauvre famille de réfugiés belges. La mère et les trois enfants vivent dans une misérable chambre à l'hôtel de l'Espérance, rue Berthier. La mère n'a pas de travail et à la précarité de sa situation s'ajoute une promiscuité inconfortable ainsi que des conditions d'hygiène déplorables. Les portes des cabinets d’aisance des étages ont été cadenassées par le propriétaire. Les locataires sont dans l'obligation d'utiliser des vases de nuit qui sont vidés dans des dépotoirs à chaque étage. Les odeurs tenaces vous prennent à la gorge dès que vous passez la porte de l'hôtel. Ajoutez à cela l'odeur d'animal mouillé de chiens bouviers appartenant à de jeunes conducteurs de bœufs aux abattoirs. Dans ces circonstances il ne faut pas s'étonner d'entendre à travers les minces cloisons plusieurs locataires tousser à faire pitié.

Plusieurs familles belges habitent dans l'hôtel, j'imagine la mère réconfortée d’être avec des compatriotes. Tante Jeanne est très naturelle dans ces situations. Elle est familière sans être condescendante et fait montre tout à la fois de compassion et de respect. En ce qui me concerne, je me trouvais déplacée dans cette chambre étroite. Je dois aussi avouer que j'éprouvais, à ma grande honte, une certaine crainte de rapporter des puces.1

 

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