/medias/customer_2/OAP/OAP214_jpg_/0_0.jpg
Accéder au visualiseur des médias : 1 média

Série « Écran plein » n° 14

  • Cote :

    OAP/214

  • Dates :

    2007-2009

  • Format :

    Dimensions : 41x33 cm

    Genre/Carac. phys. : fusain sur toile

  • Biographie ou historique du producteur :

    Katerina Christidi

    Née en 1966.

    Formée en Grèce, à l'école des Beaux-Arts de Thessalonique, Katerina Christidi pratique la peinture et le dessin. Elle obtient une bourse qui lui permet après son diplôme de passer trois ans aux Beaux-Arts de Versailles, avant d'installer son atelier à Pantin.

    Travaillant généralement en série, Katerina Christidi propose des œuvres qui sont les fruits de recherches autour des formes, du geste et de la matière. Ce qui passe en général par un processus de répétition, dans une optique d'épuisement de la mise en œuvre.

    Par exemple la série des Dessins quotidiens , suite de dessins produits quotidiennement pendant dix mois entre 2005 et 2006, témoigne d'une recherche autour d'une sorte d'automatisme du trait, ce dernier étant exécuté de manière rapide, sans hésitation ni effacement. Chaque dessin était lié à ce qui s'était déroulé au cours de la journée, prenant pour point de départ un élément ayant attiré l'attention de l'artiste, comme par exemple une phrase lue ou entendue, et qui deviendra le titre du dessin du jour.

    Dessins au trait fragile, ces images du quotidien entretiennent une précarité de la représentation qui se retrouve dans les autres travaux de l'artiste: les figures qui apparaissent semble instables, et d'ailleurs l'on ne sait jamais très bien si, justement, elles sont en train d'apparaître ou de disparaître. Cela se verra de manière plus forte dans la série des Écrans pleins entamée en 2007, et peut se voir encore dans ses œuvres les plus récentes.

    Dans ces dernières, le fusain se joint à la peinture à l'huile pour dessiner des figures perdues dans un espace pictural délavé, que l'on pourrait qualifier de brumeux. Ça et là apparaissent des éléments de paysage. Comme toujours, les personnages en place sont déformés, désarticulés, ou encore désincarnés. L'ensemble donne des espaces à l'ambiance étrange, tiraillée entre une sorte de mise en scène comique et un exutoire angoissé. Sans jamais être vraiment sûr de la stabilité des images, l'on se sent comme face à ces bribes de rêves qui subsistent au réveil. Des sortes de souvenirs étranges, qui mêlent l'imaginaire au réel sans que l'on sache bien ce qui provient de l'un ou de l'autre.

    Récemment, Katerina Christidi a choisi de reprendre des dessins qu'elle estimait ratés. Remisés pendant un temps, ils ressortent alors sous un jour nouveau. Les formats sont grands. Depuis 2007, ils sont en vérité de plus en plus grand. La taille de la surface de travail ainsi multipliée, l'artiste à l'œuvre est comme noyée dans son format, ne pouvant voir son propre processus. C'est alors comme si les figures happées dans le geste et la matière étaient, enfin, rejointes par l'artiste dans ce monde curieux, entre réalité et imaginaire, angoisse et sérénité, où l'absence n'occulte pas la présence ou bien est-ce l'inverse?

    LES OEUVRES

    Le fonds municipal de Pantin possède deux œuvres de Katerina Christidi. Acquises en 2010, il s'agit de deux dessins au fusain sur toile. Ces deux dessins sont datés de 2007, mais l'un a été retravaillé en 2009. Individuellement sans titre, ils s'inscrivent dans une série d'une quinzaine de pièces, toutes utilisant la même technique et de formats semblables, s'intitulant Écrans Pleins et réalisée pour l'exposition " In Present Tense. Young Greek Artists" présentée au Musée National d'Art Contemporain d'Athènes en 2007-2008.

    Chaque œuvre de la série est travaillée en suivant le même processus: le fusain, taillé finement, est appliqué dans un geste vertical et répété. Le dessin se construit par couches successives, faisant apparaître les figures au fur et à mesure. Cette série d' Écrans Pleins prend comme élément de départ une photographie qui a marqué l'artiste. Il s'agit d'un cliché pris dans une église médiévale où l'on peut voir une statue, sans doute un ange, dont le visage abîmé contient un regard vide, absent. Une sorte de regard intérieur qui souligne une certaine d'ambiguïté: bien que présent, le personnage est en fait absent.

    À la manière d'un oxymoron, Katerina Christidi réunit ces opposés dans sa démarche, et ce de deux façons. D'une part, en tant qu'élément porteur de la mise en œuvre; d'autre part dans le processus d'effectuation. Dans la trame graphique que produit le fusain sur la toile, les figures sont en effet comme happées par un brouillard de graphite. Mais l'on hésite: cette brume les dévore-t-elle? Ou bien sont-elles en train de s'en échapper? Appliquée sur l'ensemble de la surface de la toile avec opiniâtreté, la mine remplit le format d'une ambiance étrange: la figure est dans un entre-deux.

    L'une des œuvres représente un visage déformé, double. Mais de l'obscurité n'émerge qu'un masque, aux yeux vidés et à l'expression indicible. Comme si la quête de son intériorité faisait laisser de côté le masque que l'on offre au monde qui nous entoure. Cette face curieuse n'est peut-être qu'un apparat grotesque, un moyen dramatique (au sens théâtral du terme) de s'affranchir de la réalité qui nous entoure, d'abandonner une identité et de la laisser se perdre.

    Dans l'autre œuvre, on distingue deux oreilles. Imposantes, elles encadrent un amas sombre et impénétrable. Il n'est plus question de visage ici, tandis que ces oreilles impliquent une présence. Peut-être celle d'un esprit, d'une pensée, qui serait alors encombrée, voire polluée par la matière très noire qui s'y trouve. Les deux appendices déformés touchent eux aussi au grotesque, à une torsion de la réalité ou des images que l'on s'en fait: elles apparaissent alors comme les réceptacles du bruit du monde, un vacarme implacable brouillant la pensée et l'imaginaire.

    Il est difficile de ne pas ressentir une angoisse diffuse face à ces tableaux. La noirceur des figures, le fait qu'elles soient comme bloquées par un écran de fusain implique ce sentiment. Les empreintes semblent s'effriter dans une fumée tragique, et qui visuellement s'apparente à une neige télévisuelle signalant une réception défectueuse. La construction des figures, déformante jusqu'à en être presque comique, nous apparaît comme l'expression d'un malaise existentiel. N'investissant pas ses émotions personnelles dans ses œuvres, il s'agit plutôt d'un regard que porte autour d'elle Katerina Christidi, nous voyant et peut-être aussi nous laissant nous débrouiller dans la confusion du monde contemporain.

  • Modalités d'entrée :

    Achat en atelier en 2010.

  • Documents en relation :

    OAP215

  • Mots-clés